le suicide d’Ebenizer Sontsa à Merkplas

Le Monde, édition du 4 mai 2008

Un Africain se suicide en Belgique avant son expulsion

Jean-Pierre Stroobants, correspondant à Bruxelles

Le suicide, jeudi 1er mai, d’un demandeur d’asile camerounais de 32 ans, Ebenizer Folefack Sontsa, dans un centre de rétention, a relancé, en Belgique, la polémique sur le dossier des sans-papiers. Les partis membres du nouveau gouvernement fédéral d’Yves Leterme s’étaient mis d’accord sur un programme de régularisation partielle. Son application divise les ministres.

L’Office des étrangers, qui gère les dossiers des illégaux, multiplie depuis, semble-t-il, les expulsions d’étrangers susceptibles d’entrer dans les critères d’une régularisation. Ces derniers prévoient que tout sans-papier présent en Belgique avant avril 2007 pourrait introduire une demande de régularisation. Des raisons d’ordre humanitaire, dont l’état de santé du demandeur, la longueur anormale des procédures ou le fait qu’un illégal ait déjà un travail devaient être davantage pris en compte.

CRIS ÉTOUFFÉS

M. Sontsa s’est pendu dans les toilettes du centre de Merksplas, en Flandre. Il devait faire l’objet d’une expulsion le 2 mai, une semaine après une première tentative qui avait suscité des incidents.

Trois passagers du vol de la compagnie Brussels Airlines dans lequel il avait été conduit avaient protesté contre les policiers qui tentaient d’étouffer ses cris. L’un d’eux affirme avoir été détenu pendant dix heures et avoir été délesté du film qu’il aurait pris. L’avocat de M. Sontsa, Me Alexis Deswaef, accuse les autorités d’être responsables de la mort du jeune Africain.

Depuis quelques semaines, les groupes belges de défense de sans-papiers multiplient les actions. Les grèves de la faim, les occupations d’églises ou de chantiers n’ont toutefois eu pour effet que d’ajouter à l’incertitude des demandeurs d’asile et aux divisions du monde politique.

Les partis francophones sont favorables à une nouvelle opération de régularisation, les partis flamands sont très réservés. Et ce sont eux qui détiennent les portefeuilles de l’intérieur, de la justice et de l’asile. Chrétiens-démocrates et libéraux flamands craignent d’être la cible de l’extrême droite et des populistes s’ils donnent l’impression de céder aux exigences des francophones.

Le suicide de M. Sontsa ajoute au trouble, après des brutalités exercées à Bruxelles, mardi 29 avril, contre des manifestants et des avocats désireux d’attirer l’attention sur le sort des clandestins. Quinze d’entre eux qui avaient participé à une action de protestation devraient être expulsés.


Le Soir (Bruxelles) jeudi 1er mai 2008

Suicide au centre fermé de Merksplas

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Un Camerounais sans papier s’est suicidé, jeudi, au centre fermé de
Merksplas. Ebenizer Folefack Sontsa était âgé de 32 ans. Il s’est
suicidé durant une pause, après son repas, dans des toilettes, à l’aide
de draps. Il avait été placé en cellule d’isolement dimanche, a-t-on
appris auprès de son avocat, Me Alexis Deswaef.
L’homme avait fait l’objet d’une tentative d’expulsion samedi passé, au
cours de laquelle il aurait subi, selon son avocat, des violences. Un
policier aurait placé son genou contre le cou du Camerounais. Des traces
de violences étaient apparentes, selon l’avocat, sur le cou et les
jambes de son client.

Au cours de cette tentative d’expulsion, dans un avion de Brussels
Airlines, un passager, Ngajui Fosso, qui devait rentrer à Douala a
entendu les cris du Camerounais qu’on allait expulser. Il a alors
expliqué à l’hôtesse qu’il ne « pouvait pas voyager dans ces conditions
 ». D’autres passagers auraient eux aussi protesté. Quelques minutes plus
tard, M. Fosso et deux autres passagers ont été emmenés par des
policiers et conduits dans une cellule de l’aéroport. M. Fosso n’a été
libéré qu’une dizaine d’heures plus tard. Il est interdit de vol par la
compagnie aérienne pendant six mois.

« La première tentative d’expulsion est considérée comme une invitation
à partir et il ne devrait pas y avoir usage de la force », a commenté Me
Alexis Deswaef. Une seconde tentative d’expulsion était
prévue pour lundi. « M. Folefack n’a pas supporté la perspective d’une seconde
tentative d’expulsion et a mis fin à ses jours », a expliqué son avocat.

Pour Me Alexis Deswaef, le gouvernement belge est responsable de la mort
de son client. « Mercredi matin, les ministres Onkelinx et Milquet ont
insisté au sein du Kern pour établir un moratoire sur les expulsions des
personnes qui pourraient faire l’objet d’une régularisation selon les
critères de l’accord de gouvernement, mais le gouvernement a refusé. M. 
Folefack avait de réelles perspectives de régularisation », a-t-il déclaré.

M. Folefack était arrivé en Belgique en 2005. Il avait introduit une
demande d’asile qui avait été refusée. Selon son avocat, il aurait pu
être régularisé sur base du critère de l’ancrage durable ou d’un contrat
de travail.