Lettre du réseau Migreurop, adressée aux membres de la Commission LIBE, à propos du projet de Rapport sur la situation des droits fondamentaux en UE 2004-2007

Aux membres de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen

Madame, Monsieur,

Le réseau Migreurop, qui compte 35 associations en Europe, en Afrique et au Moyen Orient, s’inquiète du contenu de certains des amendements proposés sur le projet de Rapport sur la situation des droits fondamentaux dans UE 2004-2007 (2007/2145(INI) présenté par Giusto Catania.

En vue du vote de mardi 2 décembre, nous souhaitons notamment attirer votre attention sur les amendements 149 (conséquences de l’application du règlement Dublin dans certains pays) ; 150 (détention des demandeurs d’asile) ; 151 et 152 (système d’accueil des demandeurs d’asile) ; 153 et 154 (détention des étrangers non demandeurs d’asile) ; 168, 170 et 171 (situation des demandeurs d’asile déboutés).

L’amendement 149 veut ignorer un des effets pourtant bien connus du règlement 343/2003 dit règlement Dublin, qui consiste, dans certains Etats membres, à priver de l’examen de leur demande des requérants qui ne sont plus présents sur leur territoire. Si l’on prend l’exemple de la Grèce, on sait qu’une procédure est pourtant engagée par la Commission contre ce pays où l’examen au fond des demandes d’asile est considéré comme non effectif et que plusieurs pays européens y ont suspendu leurs transferts "Dublin" de demandeurs d’asile du fait des défaillances du système d’asile. Cet amendement ouvre donc la voie à la violation de la Convention de Genève sur les réfugiés qui prévoit le droit de demander l’asile et de voir cette demande examinée.

L’amendement 150 veut supprimer une disposition de la proposition de résolution selon laquelle les demandeurs d’asile ne doivent pas faire l’objet d’un placement en rétention. Il est pourtant d’une importance capitale de s’opposer au recours systématique à la détention des demandeurs d’asile, qui mène à la multiplication des lieux d’enfermement et à la violations de nombreux droits fondamentaux, comme l’a mis en évidence le rapport d’enquête conduite pour le Parlement à la demande de la commission LIBE : Conditions des ressortissants de pays tiers retenus dans des centres (camps de détention, centres ouverts, ainsi que des zones de transit), avec une attention particulière portée aux services et moyens en faveur des personnes aux besoins spécifiques au sein des 25 Etats Membres de l’Union Européenne (décembre 2007).


Les amendements 151 et 152
veulent supprimer de la proposition de résolution l’exigence, pour les demandeurs d’asile, de conditions d’accueil appropriées comme facteurs de bon fonctionnement d’une procédure d’asile, et l’application aux demandeurs d’asile "transférés de Dublin" des dispositions de la directive "Accueil", mettant en péril le respect de la Convention de Genève sur les réfugiés dont l’application effective repose pour une partie que les requérants soient traités dans des conditions décentes.

Les amendements 153 et 154 veulent supprimer de la proposition de résolution la disposition qui recommande d’éviter le recours à la détention systématique pour les étrangers non demandeurs d’asile. Les méfaits de la détention comme mode habituel de gestion de l’immigration irrégulière en termes de violation des droits humains sont pourtant régulièrement dénoncés par les organismes spécialisés, comme en témoignent les rapports du CPT du Conseil de l’Europe.

Les amendements 168 et 169 veulent supprimer ou atténuer la portée d’une disposition de la proposition de recommandation qui concerne les demandeurs d’asile déboutés dont la durée de présence dans le pays d’accueil ou les risques en cas de retour au pays d’origine justifie la prise en considération de leur situation, notamment le fait de ne pas les exclure des systèmes de protection sociale.

Les amendements 170 et 171 veulent supprimer la possibilité, ouverte par la proposition de recommandation, de régulariser les demandeurs d’asile déboutés dont le renvoi serait" impossible ou inhumain à cause de la situation critique eu égard au respect des droits de l’Homme dans le pays d’origine", ce qui constitue une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales et risque, au-delà, d’accélérer les retours forcés des migrants, sur la base des accords de réadmission actuellement négociés par l’UE ou par des pays membres avec les pays d’origine et transit des migrants.

Migreurop, particulièrement attentif aux conséquences des dispositifs de lutte contre l’immigration irrégulière sur les droits fondamentaux des personnes - notamment ceux qui concerne l’éloignement forcé, la détention des migrants et le traitement des demandeurs d’asile -, considère que l’adoption des amendements précités irait à l’encontre des principes par ailleurs régulièrement rappelés par la commission LIBE, et vous invite par conséquent à les rejeter.

Croyez, Madame, Monsieur, à l’assurance de nos salutations distinguées

Claire Rodier,
Présidente de Migreurop