Risque expulsions de masse de Lampedusa

le gouvernement italien déclare vouloir expulser 1200 migrants, actuellement enfermés à Lampedusa, en Tunisie

En réponse aux manifestations des migrants et habitants de Lampedusa, Berlusconi « tranquillise » les Italiens : « Nous ferons tout ce qui est nécessaire pour indemniser les habitants de Lampedusa ».

Dans une autre déclaration il annonçait être en négociation avec l’ENI, compagnie pétrolière italienne, pour baisser les coûts de l’essence pour les pêcheurs de Lampedusa,
et rappellait que mardi prochain Roberto Maroni (ministre de l’Intérieur) rencontrera son homologue tunisien et le président Ben Ali pour établir les modalités d’expulsion de 1200 migrants, identifiés comme tunisiens présents sur l’île » (voir dépêche ANSA

Ce matin Roberto Maroni confirme son voyage en Tunisie et ajoute « Les migrants resteront à Lampedusa jusqu’à leur rapatriement en Tunisie ». Umberto Bossi (chef de la ligue Nord) annonce qu’un bateau est déjà prêt pour expulser tous les migrants vers la Tunisie (
La Repubblica).

L’Italie a signé en 1998 un « programme commun pour combattre l’immigration clandestine » qui prévoit la réadmission par la Tunisie des citoyens des pays tiers qui ont transité sur son sol et sont partis des côtes tunisiennes, ainsi que des ressortissants tunisiens. Il ne serait pas étonnant que ce texte ressorte durant la rencontre italo-tunisienne.
http://www.repubblica.it/online/fatti/nave/tunisia2/tunisia2.html

La volonté de procéder à des expulsions massives est clairement affichée par la décision de Maroni de bloquer tout transfert des migrants vers la péninsule et la Sicile depuis fin décembre (le 22 janvier 250 migrants subsahariens ont été transférées à Bari, restent dans le centre 1300 migrants, principalement d’origine tunisienne, pays prêt à la collaboration dans l’expulsion de ses ressortissants). Maroni a installé la Commissioned’étude des demandes d’asile à Lampedusa (île où il n’y a ni avocats ni tribunaux).
L’arrêt des transferts a créé des conditions inhumaines et dégradantes dans les camps §voir MeltingPot). Certains migrants sont détenus depuis plus d’un mois bien que la durée de rétention dans le camp « de premier secours de Lampedusa » soit de 3 à 4 jours jours. Le 22 janvier, il y avait jusqu’à 2000 détenus dans ce camp, dont la capacité initiale est de 800 places.

Très inquiétantes sont aussi les déclarations du député de la Ligue Nord D’Amico, qui reste sur la position des expulsions immédiates : « Le fait qu’un millier de clandestins, arrivés de façon irrégulière en Italie, se soit déjà organisé et ayant déjà manifesté démontre que, dès leur arrivée, ces personnes n’ont aucune intention de s’intégrer et de contribuer à la croissance de notre pays. Si ces personnes veulent être libres, comme ils le demandent, il faut leur rappeler que la liberté ils peuvent l’avoir dans leur pays. Il faut rappeler que la première des libertés à sauvegarder est celle de nos citoyens à vivre dans la tranquillité sans subir l’assaut de milliers de clandestins, dont certains, comme le montre l’actualité, se rendent coupables d’actes d’une extrême violence. Il est donc urgent d’expulser le plus vite possible tous les clandestins présents sur le territoire, pas seulement ceux qui sont à Lampedusa, en y mettant tous les moyens nécessaires ».

Les manifestations des migrants et habitants de Lampedusa ont commencé en réponse à l’ouverture, le 23 janvier, d’un centre de détention (centre d’identification et expulsion), dans une ancienne base militaire de l’île.

Le « paquet sécurité » qui sera voté en février prolongera la durée de détention dans ce centre de 60 jours à 18 mois (voir dépêche Ansa).

Contradictoires aussi les déclarations relatives au centre dit « de premier secours » où sont détenu les 1500 migrants et qui selon Berlusconi n’est pas un centre fermé. On se demande pourquoi, si c’est un centre ouvert, aucune association ne peut y rentrer (MSF vient d’être viré de l’île) et pourquoi trois forces de polices (carabinieri, guardia di finanza et polizia nazionale) ainsi que des militaires continuent à monter la garde aux portes du camp !

Ce matin Maroni ne semble pas être pas si sûr du fait que le centre soit un centre ouvert, et attaque la gauche, en l’accusant d’avoir alimenté la révolte !

Giusto Catania, député européen et rapporteur au PE (Parlement européen) en matière d’asile et protection des droits fondamentaux, déclare qu’il est évident qu’il y a une volonté assumée du ministre Maroni de créer le chaos sur l’île, pour pouvoir justifier des violations du droit international, par exemple des expulsions collectives vers des pays non signataires de la Convention de Genève ou qui ne respectent pas les droits fondamentaux ».

Jacques Barrot, Commissaire européen pour la Justice, Liberté et Sécurité, annonce sa prochaine visite au camp de Lampedusa

Des associations italiennes (Amnesty International Italie, Arci, Asgi, Casa de diritti sociali Focusa, Centro Astalli, Cir, Comunità Sant Egidio, Federazione delle chiese evangeliche, Meltingpot, MSF, Movimento migranti e rifugiati di Caserta, Save the Children, Senza Confini) lancent un appel aux institutions exprimant leur profonde inquiétude sur les risques imminents de graves violations des droits fondamentaux des migrants enfermés à Lampedusa.