Accord de réadmission UE - Pakistan le Parlement européen doit refuser son approbation

I. Eléments généraux

 Le Parlement européen doit se servir de son nouveau pouvoir de veto sur la conclusion d’un accord de réadmission pour s’affirmer comme un véritable co-législateur soucieux du respect des droits de l’Homme et ainsi exiger un examen approfondi de la situation dans les pays avec lesquels de tels accords sont négociés.

 Aucune évaluation n’a été faite des accords de réadmission jusque-là : les résultats des réadmissions ne sont pas rendus publics ni même communiqués au Parlement européen et aux assemblées nationales. Elle s’avère pourtant indispensable, (même aux yeux de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe [1] ), notamment en matière des droits de l’Homme, avant d’aller plus loin dans la conclusion de nouveaux accords avec des pays tiers. Migreurop l’avait déjà demandé à la Commission européenne, en janvier 2009 [2]. Par lettre en date du 23 mars 2009, la Commission a répondu qu’elle avait décidé d’attendre « le second semestre 2009 pour procéder à une évaluation quantitative et qualitative » de tels accords. Or, à notre connaissance, aucune évaluation n’a été rendue publique.

II. L’accord de réadmission UE-Pakistan : points sensibles

La situation des Pakistanais et des Afghans au Pakistan après les inondations :

Début août 2010, de fortes inondations se sont abattues sur le Pakistan mettant à la rue plus de 15 millions de personnes. La situation au lendemain des inondations est catastrophique notamment dans le nord du pays, à la frontière avec l’Afghanistan, comme le souligne le centre d’étude des déplacements internes (IDMC) dans une note du 6 septembre 2010 [3]
. Les personnes déplacées qui étaient déjà dans une situation de forte vulnérabilité avant les inondations, le sont encore plus aujourd’hui.

IDMC ajoute que la situation risque de pousser certaines des personnes déplacées à retourner chez elles malgré le danger qu’elles peuvent encourir. Rappelons, tout d’abord, que l’accord de réadmission entre l’UE et le Pakistan permet le renvoi non seulement des ressortissants du Pakistan mais également des personnes ayant transité par ce pays. L’accord vise même directement les Afghans. Rappelons ensuite que le Pakistan accueille à ce jour 1,7 millions de réfugiés afghans ayant fui la guerre, ces réfugiés vivant à 88% [4], comme les personnes déplacées du Pakistan, dans le nord du pays, là même où les inondations ont le plus touché le pays et où le conflit qu’il fuyait s’est propagé. De plus, le Pakistan est en proie à de grandes difficultés de gestion de « l’après » inondations.

Actuellement donc les réfugiés afghans, tout comme les Pakistanais déplacés du nord sont dans une situation de précarité extrême. La situation au regard des inondations touche donc les personnes qui sont sur ce territoire mais touchera également les Pakistanais et les Afghans renvoyés si le Parlement européen donne son approbation à l’accord de réadmission UE-Pakistan.

La situation actuelle du Pakistan doit en outre être remise dans son contexte géopolitique. La guerre en Afghanistan fait également de nombreux ravages au Pakistan (cf. la situation des Afghans au Pakistan) et touche aussi bien les réfugiés Afghans que les Pakistanais du nord du Pakistan comme en témoigne de nombreux articles de presse [5] sur la région frontalière. Ainsi, l’Afghanistan et le Pakistan ne sont pas des pays où l’on peut renvoyer des personnes sans mettre en danger leur vie [6]et leur droit à la sûreté [7] et sans que cela constitue de facto un refoulement que le droit international interdit à l’Union européenne de pratiquer.

Le Pakistan et le droit international

Le Pakistan a signé un faible nombre de conventions internationales relatives aux droits de l’Homme. Il n’est signataire ni de la Convention sur les réfugiés de 1951 et de son Protocole de 1967, ni du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 (et de ses protocoles facultatifs de 1966 et 1989) ni du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966. Par ailleurs, plusieurs ONG [8] ont exprimé leur inquiétude quant à la situation de ce pays qui est loin d’être sûre : attentats (Le double attentat d’avril dans un camp de déplacés au Pakistan qui a fait 40 morts et une soixantaine de blessés révèle bien, parmi tant d’autres, que cet Etat ne peut assurer aucune garantie de bon traitement et maintien en vie des personnes qu’on y renverrait), luttes tribales, persécution des minorités chrétienne et ahmadiyya, femmes sans droits et victimes de violence, enfants détenus dès l’âge de sept ans (alors que le Pakistan a signé et ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989...), homosexualité punie de deux ans de prison et de cent coups de fouets, etc. Il ne faut pas oublier que ce pays prévoit encore la peine de mort. Il faut aussi compter les discriminations, les abus de la part des communautés et des polices locales dont sont victimes les Afghans (principale nationalité d’un pays tiers concernée par cet accord de réadmission), lesquelles sont assez souvent contraints, comme le relève Amnesty International, au rapatriement sous le couvert d’un faux volontariat [9].
Le PE s’est déjà prononcé et inquiété sur le respect des droits de l’homme au Pakistan. Dans une lettre du 10 juillet 2009, son président s’est adressé directement au Président de la République Islamique du Pakistan pour lui demander quel était le sort de quatre jeunes emprisonnés pour leur appartenance à la minorité religieuse Ahmadiyya. Le président du PE a également demandé au président du Pakistan de lui dire quelles seraient les mesures prises pour garantir leurs droits fondamentaux et a réitéré l’opposition du PE à l’emprisonnement de ces mineurs, en invitant le Pakistan à respecter la Convention internationale des droits de l’enfant et à se prononcer contre la peine de mort.
Pourtant, la Commission, lors des négociations, n’a pris aucune garantie pour s’assurer de la sécurité des personnes réadmises et du respect de leurs droits. Elle se cache derrière une disposition de l’accord de réadmission (qui au demeurant ne figure que dans les considérants), prévoyant que son exécution se fasse dans le respect des conventions internationales et que les États sont les seuls responsables du respect de ces engagements. A l’instar de la proposition d’avis qui avait été rendu par Mme la députée Nicole Kiil-Nielsen, rapporteure pour la Commission des Affaires étrangères, nous estimons que cet argument n’est pas convaincant. En effet, la Commission, en vertu de l’article 17 TUE, est la gardienne des Traités et doit veiller à la bonne exécution et au respect du droit communautaire. Or, les accords internationaux entre la Communauté européenne et les pays tiers font partie intégrante de ce bloc juridique, de même que le respect des droits fondamentaux garanti par l’article 6 TUE.

Qui plus est, chaque accord de réadmission prévoit la création d’un comité de réadmission mixte , dans lequel siège un représentant de la Commission, qui est chargé de « contrôler l’application de l’accord et de décider des modalités de mise en œuvre nécessaires à son exécution uniforme » [10]. Dès lors, au moyen de ce comité, la Commission a l’obligation de veiller à la bonne exécution de l’accord, et ce même si l’application en est faite par les États membres.

Malgré l’engagement de la Commission européenne dans la déclaration annexée à l’accord, à encourager le Pakistan à ratifier la Convention de Genève de 1951 sur le droit des réfugiés, dans les faits, le Pakistan est loin d’avoir la volonté de ratifier celle-ci. On veut pour preuve, la signature de l’accord tripartite entre l’Afghanistan, le Pakistan et le HCR. Le Pakistan ne fait que tolérer les réfugiés afghans sur son territoire et ce jusqu’en 2012 car il ne souhaite pas que ces derniers s’y installent. Enfin rappelons que l’aide reçue par les réfugiés afghans au Pakistan vient du HCR et donc de la bonne volonté des Etats membres de l’ONU et non de la seule bonne volonté du Pakistan.

Enfin, nous rappelons le récent document de travail de la Commission des migrations, des réfugiés et de la population de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe qui invite les États membres « à ne conclure des accords de réadmission qu’avec les pays qui se conforment pleinement aux normes pertinentes en matière de droits de l’homme et à la Convention de Genève, ont mis en place de véritables systèmes d’asile, protègent le droit à la liberté de circulation de leurs ressortissants et n’érigent pas en infraction pénale les entrées ou les départs irréguliers du pays en question » [11] .

La situation juridique incertaine des Afghans non enregistrées par les autorités Pakistanaises

Le Pakistan, l’Afghanistan et le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) ont signé un accord en mars 2009 afin de permettre aux réfugiés afghans de rester sur le territoire pakistanais jusqu’en 2012. En effet, un accord préalable prenait fin en 2009, il fallait trouver une solution pour les 1,7 millions de réfugiés enregistrés sur le territoire pakistanais.

Toutefois, malgré cet accord, les Afghans au Pakistan ne sont pas à l’abri d’un renvoi vers leur pays d’origine. En effet, ils sont régulièrement victimes d’arrestations et d’expulsions expéditives à l’occasion d’émeutes anti talibanes ou anti pashtounes, qui se multiplient notamment dans les villes de Lahore et Peshawar  [12] . Ainsi, dans les faits, les réfugiés afghans ne sont pas à l’abri de renvois forcés vers leur pays d’origine puis d’arrestation et de détention arbitraire, de risque d’assassinats ciblés en raison tout d’abord des conflits ethniques et familiaux existants dans leur région d’origine mais également en raison de l’augmentation des violences liées au conflit armé afghan, comme le souligne le HCR dans un rapport de juillet 2009 [13]
.

Le Haut commissariat remarque que certains Etats, notamment européens, renvoient des Afghans non directement vers leur pays d’origine mais vers le Pakistan et l’Iran. Concernant ces renvois au Pakistan, le HCR souligne que l’accord tripartite HCR/Pakistan/Afghanistan ne concerne que les Afghans enregistrés au Pakistan. Ainsi, pour ceux qui n’auraient pas de visa d’entrée valide, ce dernier peut refuser leur entrée et/ou la restauration de leur autorisation de résidence sur le territoire pakistanais et donc les renvoyer ensuite vers l’Afghanistan. Le Haut commissariat ajoute que si certains Afghans avaient une autorisation de rester sur le territoire pakistanais avant leur départ, il n’en est plus rien au retour, même avec l’accord tri partite. En effet, sans visa et sans passeport en cours de validité, les Afghans ne sont pas autorisés à entrer et à rester sur le territoire pakistanais. En conséquence, les Afghans pourront être arrêtés, placés en rétention puis renvoyés en Afghanistan. Le HCR estime que plusieurs centaines d’Afghans sont concernés chaque mois par ces renvois forcés.

En conclusion, le renvoi d’Afghans au Pakistan, dans le cadre de l’accord de réadmission, permettra un refoulement dit ‘par ricochet’ de l’Europe vers l’Afghanistan en passant par le Pakistan. Cela signifie que le Parlement européen prend le risque, en votant en faveur de l’accord, d’exposer les personnes renvoyées à des traitements inhumains et dégradants voire à la mort, en totale méconnaissance des engagements internationaux de l’UE et de ses Etats membres.

La valeur non contraignante de la déclaration relative au respect des droits de l’homme annexée à l’accord de réadmission.

Lors des discussions en Commission LIBE de mai 2010, les parlementaires européens ont réussi à arracher à la Commission européenne une déclaration concernant notamment le respect du principe de non refoulement, le respect des droits des ressortissants d’Etats tiers sur le territoire européen...etc. Cette déclaration sera en annexe de l’accord de réadmission.

Le Parlement européen ne peut cependant pas s’en contenter parce qu’elle n’a aucune valeur juridique et ne pourra donc pas produire l’effet escompté sur le plan juridique comme politique, que ce soit à l’égard du Pakistan ou à l’égard des Etats membres de l’Union et du Parlement.

Concernant le Pakistan, il faut noter que si une déclaration jointe au consentement à être lié par un traité peut avoir une certaine portée dans le cadre d’un traité multilatéral en ce qu’elle peut préciser la portée de l’engagement de son auteur, un tel mécanisme ne saurait fonctionner dans le cadre d’un accord bilatéral comme celui dont le Parlement est aujourd’hui saisi. Dans une telle hypothèse, en effet, une telle déclaration reviendrait à opérer un amendement à ce qui a déjà été signé, mais une telle modification de ce qui a été négocié ne peut jouer que si l’autre partie l’accepte, ce que par hypothèse elle n’avait pas fait auparavant. Autrement dit, cette déclaration jointe ne vaudra que ce que le Pakistan voudra en faire sans qu’on puisse rien lui imposer. Dans la mesure, donc, où elle aura confié le respect des droits fondamentaux et du droit des réfugiés à la discrétion du Pakistan, l’UE n’aura pas respecté ses obligations internationales qui lui commandent d’empêcher leurs violations. L’évidence de cela fait que cette déclaration ne pourra pas avoir non plus de portée politique et symbolique ; l’UE ne pourra pas proclamer de bonne foi s’être assurée grâce à cet instrument du respect de ses obligations.

Sur le second point des rapports de la Commission avec les Etats membres et le PE, il est bien évident qu’une simple déclaration de la Commission ne saurait la dégager de sa responsabilité sur le chef des seuls Etats membres. Et s’il s’agissait simplement d’affirmer que la Commission va faire en sorte d’assurer le respect des obligations internationales de l’UE, cette déclaration n’apporte rien puisque cette obligation pèse déjà sur cette institution en sorte que le Parlement n’obtient rien avec l’adoption de cette « déclaration ».

Si le Parlement européen souhaite, comme cela semblait être le cas en Commission LIBE, que les droits de l’homme des personnes renvoyées soient respectés, il faut insérer cette question directement dans l’accord de réadmission. Le Parlement européen ne pourra réaliser cela qu’en refusant le vote d’approbation et en demandant l’ouverture de nouvelles négociations.

L’absence de compétence des deux parties pour régir le sort des ressortissants de pays tiers et apatrides

On sait que les accords de réadmission ne donnent pas une base juridique pour rejeter des étrangers irréguliers ou les expulser ; ils ne peuvent que faciliter un éloignement après qu’un Etat a refusé la présence ou l’entrée d’un individu sur son territoire. Ainsi, l’application d’un tel accord pour faciliter l’expulsion d’une personne doit toujours être précédée par une décision distincte prise en vertu du droit national de rejeter ou expulser un étranger. Or, les mesures régies par cette clause de « réadmission » concernent des actes et opérations que les parties ne sont pas habilitées à régir en vertu du droit international.
En effet, la clause de réadmission des tiers et apatrides pose un vrai problème juridique en ce sens que ni l’UE ni le Pakistan ni les deux ensemble n’ont de titre pour disposer des droits de ces personnes. D’après le droit international, un Etat n’a compétence sur une situation ou relation que si celle-ci est rattachée à lui soit à raison de la nationalité des personnes concernées (on dit alors que l’Etat exerce sa compétence « personnelle ») soit à raison de sa situation sur son territoire (on dit alors que l’Etat exerce sa compétence « territoriale »).
Or ces deux rattachements qui justifieraient que l’UE et le Pakistan disposent de la situation des tiers et apatrides manquent. Le lien de nationalité est par principe absent. S’agissant du lien territorial, la question est un peu plus complexe mais la réponse est la même. En effet, si l’Etat d’accueil a bien compétence pour refuser ou éloigner de son territoire un étranger qui ne répond pas aux conditions d’entrée et de séjour qu’il a posées, et cela en vertu de sa compétence territoriale, le reste de l’opération - la « réadmission » - n’a pas de rattachement avec lui tel que reconnu par le droit international et il n’a donc aucun titre pour imposer une destination à cet individu. En effet, dès que l’individu est expulsé, le lien territorial disparaît et avec lui la compétence de l’Etat qui expulse. C’est bien d’ailleurs le présupposé de ces accords : un Etat européen ne peut pas expulser qui il veut où il veut et il faut donc un tel accord pour avoir un Etat de destination. Cependant, ce qu’il ne peut pas faire ici seul, il ne peut pas non plus le faire à deux dans un traité.

Et le Pakistan n’a pas davantage de titre à régir la situation de ces ressortissants tiers et apatrides, le seul rattachement avec eux étant un éventuel séjour de ces derniers passé sur le territoire pakistanais ou un simple transit, rattachements manifestement insuffisants pour fonder la compétence du Pakistan au jour de l’expulsion et au jour de la conclusion de ce traité.

On peut faire appel à un autre principe de droit international pour mettre en doute la compétence de l’UE et du Pakistan pour adopter ce genre de clause. En effet, le droit international reconnaît le principe de l’effet relatif des traités internationaux, principe en vertu duquel un traité ne peut créer de droits et obligations envers un tiers sans son consentement. Or, dans notre cas, deux sujets de droit international prétendent disposer du sort d’individus sans leur accord : ils seront réadmis au Pakistan (ou dans l’UE ...) et y seront vraisemblablement détenus en attendant un éventuel éloignement vers un autre Etat dont rien ne garantit qu’il les traitera convenablement.

Pour se figurer l’aberration du système, appliquons à titre d’illustration la clause de réciprocité puisque le traité est dit réciproque. Ce système peut conduire à des situations comme la suivante : un Français, un Italien ou un Polonais va au Pakistan puis se rend en Australie chercher un travail, l’Australie ayant conclu avec le Pakistan un accord de réadmission désormais en vigueur identique à l’accord UE/Pakistan. Il arrive en Australie avec un visa valide. Passé le délai de validité du visa, il oublie ou n’a pas la possibilité matérielle, ayant eu un accident, de régulariser sa situation. L’Australie décide de le renvoyer. Puisque ce ressortissant européen est passé par le Pakistan, l’Australie l’envoie au Pakistan qui ne l’a pas refusé dans le court délai prévu et cet Etat en fera ce qu’il voudra. Vraisemblablement, il sera placé dans un lieu de détention où ce citoyen européen n’aura aucun moyen de faire valoir ses droits, s’il n’est pas maltraité ou renvoyé dans un autre pays en vertu d’un accord entre le Pakistan et ce dernier pays dont rien ne nous garantit qu’il respecte les droits de l’homme. Et pendant tout ce temps, l’Etat national de l’individu et l’UE devraient n’avoir rien à dire. On le voit, la situation est absurde qui sera pourtant le lot commun des hommes et des femmes qui feront l’objet de cette clause outre les Afghans pour lesquels, on l’a vu, cette clause semble avoir été pensée en premier. Dans cette dernière hypothèse, l’idée est simple : puisque nous ne pouvons pas les refouler chez eux, on confie ce travail au Pakistan, sans que les Afghans concernés ni l’Afghanistan n’aient leur mot à dire ...

En réalité, l’Afghanistan dans cette dernière hypothèse comme la France, l’Italie ou la Pologne dans la précédente auront toujours titre à mettre en œuvre la responsabilité du Pakistan et de l’autre partie à un accord de réadmission si un de leur national n’est pas traité conformément au droit international. Pour revenir à cet accord, cela signifie, que si son application conduit à priver un tiers des droits que lui reconnaît le droit international, l’Etat national de cet individu pourra demander à l’Union et au Pakistan de répondre en droit du traitement qu’ils ont ainsi accordé à un étranger sans solliciter son accord ni celui de son Etat national. En somme, corollaire logique de l’inaptitude des deux parties à adopter cette clause de réadmission, celles-ci pourront engager leur responsabilité à chaque fois qu’elles l’appliqueront.
L’Afghanistan

La première phrase de l’accord énonce : « la conclusion d’un accord de réadmission avec le Pakistan comptait parmi les mesures recommandées dans le plan d’action pour l’Afghanistan présenté en 1999 ». Il est ainsi clair que cet accord dans lequel il est prévu que le Pakistan accepte la réadmission de ses propres nationaux et de ressortissants de pays tiers, a pour objectif principal de renvoyer des Afghans vers le Pakistan.

D’autres mesures ont également été envisagées depuis ce plan d’action. Ainsi, l’ancienne ligne budgétaire B7-667 a permis, en 2001, de soutenir un projet dans le domaine de la protection des réfugiés afghans au Pakistan. En 2002, une enveloppe financière pour l’Afghanistan concernait l’aide au retour des ressortissants afghans qualifiés et le soutien du gouvernement afghan sur les questions d’immigration. Existe-t-il un bilan sur ces actions ?
Toujours dans le cadre de la ligne budgétaire B7-667, parmi les actions de l’année 2003, était notamment prévue une aide au gouvernement afghan pour mieux gérer les retours et les problèmes liés à la protection. Là aussi, existe-t-il un bilan ?

Enfin, quelle évaluation a été faite par le HCR du plan européen pour le retour des Afghans dans leur pays d’origine ? La Commission européenne est chargée du suivi de ce plan d’action et elle devrait régulièrement en informer le Groupe de travail de Haut niveau.
Par conséquent, sans garanties claires et contraignantes, il est impossible de s’assurer que les migrants afghans réadmis au Pakistan verront le respect de leurs droits assurés, et ne seront pas refoulés vers l’Afghanistan.

Le champ d’application

Le champ d’application de cet accord interroge plus qu’il n’apporte de réponse. Il vise tout d’abord les ressortissants nationaux : en 2008, il y a eu 13 348 arrestations de Pakistanais en situation irrégulière et 4 424 retours effectifs. L’accord concerne également les ressortissants de pays tiers et apatrides. Mais, on peut s’interroger sur la pertinence d’un tel accord sachant que la quasi totalité des migrants vient par voie terrestre, donc via le territoire d’autres Etats, alors que l’accord concerne ceux entrés illégalement sur le territoire d’un État membre et arrivant directement par voie aérienne ou maritime.

Le contenu de l’accord

Plusieurs dispositions de cet accord posent des problèmes particuliers

Les délais

 Pour la réponse à la demande de réadmission, le délai est de 30 jours. En l’absence de réponse, la réadmission est réputée acceptée ; or cela ne donne pas suffisamment de garantie puisqu’un simple retard de l’Etat requis impliquerait le rapatriement.
 Concernant les documents pour le retour : les autorités pakistanaises doivent établir "sans délai" le document de voyage nécessaire au retour. L’impossibilité légale de réadmettre sans ce document n’est pas mentionnée. Par ailleurs les autorités européennes utilisent de plus en plus le "laissez passer européen", document de voyage qui est établi uniquement par les autorités de l’État qui expulse. Le recours à ce document est extrêmement préoccupant car il ouvre la voie à de nombreux abus de la part des États membres, comme cela a pu être le cas lorsque la France a renvoyé des Afghans en décembre 2009. Or, le laissez passer européen n’est habituellement utilisé que dans des circonstances où le pays tiers du ressortissant à expulser est sous gouvernance internationale ou sans État.

L’entrée en vigueur

La réadmission ne concerne que les personnes arrivées sur le territoire des parties après l’entrée en vigueur de l’accord. Cependant, la charge de la preuve d’une arrivée antérieure repose sur la partie qui voudra invoquer de fait pour refuser une réadmission sur son territoire.
Ne s’agit-il pas, notamment pour un pays comme le Pakistan, d’une charge de la preuve bien trop lourde que de démontrer quelque chose qui ne se passe pas sur son territoire mais sur le territoire de l’autre partie ? D’autant plus que les intéressés n’ont souvent pas de passeport, donc non plus de tampon d’entrée.

La Commission de réadmission mixte

Le PE ne joue aucun rôle dans cette commission chargée de suivre la mise en œuvre de l’accord. La Commission affirme que la présence du Parlement n’aurait aucune valeur ajoutée. Toutefois, cela rendrait bien plus transparente la mise en œuvre de ces accords et la présence du PE pourrait être un vrai garde-fou sur les problèmes que peut poser ce type d’accord en matière de droits de l’Homme.
Par ailleurs, rien n’empêche, du point de vue juridique, qu’un membre du PE ait au moins le statut d’observateur au sein de ce comité mixte de réadmission. Certes l’article 16 de cet accord précise que le comité est composé de représentants de la Communauté (issus de la Commission et assistés d’experts des États membres) et du Pakistan, mais ces derniers arrêtent aussi le règlement intérieur où pourra être décidé d’accorder un tel statut au membre désigné du PE pour suivre l’application de l’accord en toute transparence.

Les coûts liés à la réadmission

Les autorités de l’État requérant peuvent récupérer le montant des coûts liés à la réadmission, auprès de la personne à réadmettre ou de tierces personnes. De nombreuses études montrent que les migrants originaires d’Afghanistan ou du Pakistan empruntent des sommes considérables pour atteindre l’Union européenne ; certaines familles ayant même vendu ou hypothéqué une grande partie de leurs biens. Il serait particulièrement cynique qu’une telle procédure puisse être envisagée vis-à-vis de femmes et d’hommes qui sont à la recherche d’une vie meilleure. Pour rappel le PNB par habitant du Pakistan est près de quarante fois inférieure à celui de la plupart des pays de l’Union européenne.

La protection des données personnelles

L’accord ne contient aucune mention relative à la protection des données personnelles, en limitant son niveau d’exigence à un usage "loyal" et "licite" de ces données. Leur transmission à "d’autres organes" qui ne sont pas précisés, est même possible et cela sans le consentement de l’intéressé. Si le Parlement européen a récemment exprimé son attachement à un usage raisonné des données personnelles des citoyens européens dans les relations bilatérales de l’UE avec les pays tiers, cette exigence doit être de même niveau pour les ressortissants de pays tiers [14]. En l’espèce, quid des garanties de protection ? Quelle transparence ? Quelle autorité indépendante pourra contrôler l’utilisation des données ? Quelle possibilité de recours juridictionnels par les personnes concernées ? Ces questions demeurent aujourd’hui sans réponse.

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