Visite de parlementaires et d’associations au LRA de Choisy-Le-Roi

Le vendredi 1er avril 2011, Mme Bariza KHIARI, sénatrice de Paris, et M. Richard YUNG, sénateur représentant les Français établis hors de France, ont effectué une visite du local de rétention administrative (LRA) de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne). Les deux parlementaires ont été accueillis par M. Martial BERNE, commissaire divisionnaire et chef de la circonscription de Choisy-le-Roi, M. Thierry OYEZ, commandant, et M. Richard MORVAN, chef du service de sécurité de proximité (SSP).

Le LRA de Choisy-le-Roi a été visité par M. Jean-Marie DELARUE, Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), le 8 juillet 2008.

Ce lieu de rétention - à l’origine temporaire - est implanté depuis environ une vingtaine d’années au sein du commissariat de police. L’absence de centre de rétention administrative (CRA) dans le département du Val-de-Marne semble être la raison pour laquelle ce local a été créé. Il dispose d’une capacité de 12 places (3 chambres comprenant 4 lits superposés) et n’accueille plus que des hommes (la cellule occupée par les femmes a été fermée suite à la visite du CGLPL). La plupart des migrants retenus sont des personnes interpellées sur la voie publique ou sur leur lieu de travail, des personnes sous le coup d’une obligation de quitter le territoire (OQTF) ainsi que des personnes sortant de la maison d’arrêt de Fresnes.

Depuis quelques années, le nombre de personnes retenues dans le LRA décroît de manière constante : 1.200 en 2007 ; 570 en 2010 et 130 depuis le début de l’année 2011. Cette baisse s’expliquerait notamment par le fait que la préfecture place prioritairement en rétention administrative les étrangers possédant des documents d’identité en cours de validité.

Lors de la visite, deux migrants - un ressortissant malien et un ressortissant nigérien - étaient présents dans le local (une troisième personne avait quitté le LRA quelques heures avant l’arrivée des parlementaires). D’après les responsables du local, les nationalités des personnes retenues changent en fonction de l’actualité. En d’autres termes, pour ne pas être expulsés, certains migrants prétendent être originaires de pays en crise ou en guerre. Par ailleurs, le nombre de ressortissants des pays de l’Est (Moldavie, etc.) placés en rétention est en hausse.

La gestion des personnels est manifestement problématique. Vingt-trois fonctionnaires de police sont actuellement affectés au LRA, soit un ratio de deux policiers par retenu. Ce sont autant de personnels en moins sur la voie publique pour assurer la sécurité des personnes et des biens. La plupart de ces fonctionnaires sont en début de carrière et n’ont suivi aucune formation spécifique.

Les installations ne sont pas adaptées. Ces anciens bureaux se trouvent dans le même bâtiment que le commissariat de police et il n’existe pas de distinction claire entre ce dernier et le LRA.

Les deux parlementaires ont observé que le local de rétention est moins sombre que les cellules de garde à vue. Cependant, les fenêtres des cellules sont opaques.

L’état général de propreté est correct. Le ménage est fait tous les jours (l’homme de ménage était d’ailleurs présent lors de la visite). Des travaux devraient prochainement être engagés afin d’adapter les sanitaires aux pratiques de certains migrants.

Les personnes retenues disposent d’un espace commun exigu dans lequel elles peuvent s’asseoir, manger, lire ou regarder la télévision (l’écran de télévision se trouve cependant au-delà de la grille limitant l’espace commun et les trois cellules). La surveillance de cette pièce est assurée par une caméra (en revanche, il n’y a pas de caméra dans les cellules). Il est à noter que les responsables du LRA ont interdit les jeux de cartes afin de prévenir les tentatives de suicide.

Suite à la visite du CGLPL, la cellule réservée aux femmes a été transformée en salle pour les entretiens avec les avocats et les médecins. Le LRA comprend également une petite salle pour les visites. La durée des entretiens est limitée - sans justification particulière - à une demi-heure.

Mme KHIARI et M. YUNG ont constaté avec étonnement que le LRA ne dispose pas de cour de promenade. Ce faisant, les personnes retenues ne peuvent pas fumer. Cette impossibilité peut générer du stress. Elle est très contraignante pour les personnes qui ont préalablement été placées en garde à vue. Elle est également difficile à comprendre pour les migrants qui sortent de prison.

Les personnes retenues peuvent accéder librement au téléphone qui se trouve dans l’espace commun. Cependant, c’est l’association La Cimade qui doit leur fournir des cartes de téléphone. En outre, les migrants peuvent conserver leur téléphone portable (des chargeurs sont mis à leur disposition).

En revanche, il est regrettable que les personnes retenues ne puissent pas accéder librement aux équipements sanitaires, qui sont situés au-delà de la grille fermée à clé. Cette situation apparaît contraire aux dispositions de l’article R. 553-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Par ailleurs, le LRA ne dispose pas de permanence médicale. La préfecture a certes signé une convention avec la société Médecins à domicile. Cependant, les demandes des personnes retenues n’étant pas prioritaires, elles doivent souvent patienter plus de 24 heures avant de pouvoir consulter un médecin. En outre, les médecins ne se déplaçant pas, les migrants doivent souvent être transportés à l’hôpital. En cas d’urgence, les policiers font appel aux pompiers. D’après les responsables du LRA, certains migrants demandent à pouvoir bénéficier d’une visite médicale afin de ne pas être expulsés.

A leur arrivée au local, les migrants reçoivent un kit de literie jetable et un nécessaire de toilette. Quant à leurs biens personnels, ils sont conservés dans des casiers fermés à clé.

Quant aux repas servis aux personnes retenues, ils sont pour le moins frugaux. Ils se composent d’un seul plat (barquette réchauffée au micro-ondes). Dans ces conditions, les migrants sont parfois contraints de demander aux bénévoles de La Cimade de leur acheter de la nourriture. Dans la journée, les personnes retenues doivent demander aux fonctionnaires de police de leur acheter une boisson chaude.

Le règlement intérieur date de 2007. Un nouveau règlement a été rédigé en 2009 afin de calquer les prescriptions sur celles qui sont applicables dans les CRA. Ce document a été transmis au préfet pour validation. Cependant, les responsables du LRA n’ont toujours pas reçu sa réponse.

Les fonctionnaires de police rencontrent parfois des difficultés pour trouver certains traducteurs (mongol ; etc.).

Les deux sénateurs ont constaté avec satisfaction qu’aucun migrant n’est placé en rétention au-delà de la période de 48 heures. Le départ pour le TGI de Créteil coïncide en effet toujours avec le départ définitif du local. En cas de prolongation de la rétention ou d’appel de la décision du juge des libertés et de la détention, le migrant est placé dans un CRA (Mesnil-Amelot, Palaiseau, Plaisir).

Les parlementaires ont également noté avec intérêt que les personnels affectés à la garde du LRA ne sont pas armés. D’après les responsables du LRA, le port d’arme n’est pas nécessaire en dehors des escortes. Cette pratique est conforme aux recommandations du CGLPL. Elle est également raisonnable car la rétention administrative n’a pas pour fonction de sanctionner la commission d’une infraction pénale .

Au cours des dernières années, les responsables du LRA n’ont relevé aucun problème grave s’agissant du maintien de l’ordre. En outre, ils ont recensé une seule tentative de suicide.

Mme KHIARI et M. YUNG n’ont pas manqué d’interroger leurs interlocuteurs sur les conséquences probables de l’allongement de la durée de la rétention administrative décidée par le préfet avant l’intervention du juge des libertés et de la détention. Rappelons que le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité - actuellement en discussion au Parlement - propose de porter cette durée de 48 heures à cinq jours . D’après les responsables du LRA, une telle réforme aurait pour effet de créer une « situation invivable » car les locaux ne sont pas adaptés. Elle nécessiterait notamment la mobilisation de personnels supplémentaires (escortes vers les consulats, le tribunal et les centres de rétention) ainsi que la création d’une unité médicalisée. En d’autres termes, il faudrait transformer le LRA en CRA.

Après avoir visité les locaux, les deux sénateurs ont pu s’entretenir avec Mme Laurence SABART. Cette bénévole de La Cimade tient une permanence juridique chaque vendredi. Les entretiens se déroulent dans une pièce sans fenêtre. D’après Mme SABART, l’exercice des droits n’est pas effectif. La plupart des migrants retenus s’entretiennent avec un avocat au tribunal, juste avant l’audience de prolongation de la rétention. En outre, Mme SABART a indiqué aux parlementaires qu’une personne qui souhaitait rendre visite à un migrant s’est récemment vu refuser l’accès au LRA. Elle a également pointé du doigt les difficultés rencontrées par les migrants retenus lorsqu’ils souhaitent consulter un médecin, les problèmes liés à la nourriture ainsi que la présence constante et désagréable d’un souffle d’air froid dans les cellules (la préfecture n’a pas encore fourni les couvertures chaudes demandées par les responsables du LRA).

A l’issue de cette visite, un constat s’impose : la prochaine adoption du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité rend nécessaire la fermeture du LRA de Choisy-le-Roi.