Audition des prévenus (suite) : traquez le détail

Compte-rendu de l’audience du vendredi 14 octobre 2011

L’audience reprend à 13h50, en présence des deux prévenus de la veille, Ma.D. et A.D.. Ils seront rejoints par M.D. un peu plus tard. En soutien aux inculpés, une petite vingtaine de proches et de militants sont venus assister à l’audience. Trois policiers se relaient à l’entrée et à l’intérieur de la salle. L’ambiance, bien qu’un peu tendue en fin de journée, restera dans l’ensemble relativement calme.

Me Boitel et Me Stambouli proposent à la cour que Ma.D. soit auditionné le premier, ce qui est accepté. Avant l’audition, Me Terrel remet à la greffière un rapport de la CNDS sur la mort de M. Souli le 21 juin 2008 [1]. Si cette affaire n’a pas été jointe à celle de l’incendie, l’avocate estime que l’enquête de la CNDS sur ce sujet apporte des éléments de contexte non négligeables pour la compréhension des événements. Le premier prévenu appelé à la barre est Ma.D., 32 ans. De sa voix posée, il répond avec attention aux questions soulevées par le président.

Ma.D., « inculpé » pour un bout de journal ?

Dix années en France

Né au Mali en 1979, Ma.D. arrive en France en 2001. Il a 22 ans et vient épauler son père, installé dans un foyer depuis les années 1970, qui se trouve en difficulté. Il rejoint ainsi plusieurs membres de sa famille dont son frère, qui vit encore aujourd’hui en Bretagne. Quelques jours à peine après son arrivée, Ma.D. obtient un emploi dans un café des Champs-Élysées. Son parcours est lancé : pendant près de sept ans, il se spécialise dans le domaine de la restauration, passant progressivement du statut de plongeur à celui de cuisinier. Entre 2003 et 2005, il est placé plusieurs fois en rétention mais selon lui, « à l’époque, ce n’était pas la même chose ». En juin 2008, alors qu’il travaille dans un restaurant du nord-est parisien, les policiers l’interpellent directement sur son lieu de travail. Quelques heures plus tard, il se retrouve au centre de rétention de Vincennes.

15 jours au CRA, un samedi et un dimanche à Vincennes

« Vraiment pas de bonnes conditions », « insalubre », « nourriture mauvaise » : c’est à travers ces mots que le prévenu décrit au président le CRA de Vincennes. Et s’il reconnaît avoir affirmé en 2008, lors de sa garde-à-vue, que tout se passait convenablement dans le centre, il revient aujourd’hui sur ses déclarations : « les policiers me prenaient la tête, j’ai dit des choses que je ne pensais pas (…) Là, c’est ce que je pense ». Après avoir critiqué le comportement des policiers vis-à-vis des retenus, il revient sur les difficultés d’accéder à certains services, comme l’infirmerie ou la salle des coffres (où sont déposées les affaires personnelles des retenus).

Le samedi 21 juin 2008, il raconte avoir été réveillé entre 13h et 14h par du bruit dans le bâtiment. En sortant de sa chambre, il aperçoit des policiers près de la porte de M. Souli. Intrigué par cette présence inhabituelle et par des cris dans la cour, il sent immédiatement qu’il se passe quelque chose. Très vite, il comprend qu’un retenu a fait un malaise, qu’il est sans doute mort mais que personne n’arrive à obtenir d’informations précises sur les faits. La tension monte. Des groupes se forment. Des CRS munis de boucliers pénètrent dans la cour et repoussent les retenus à l’aide de gaz lacrymogène. Ma.D. ne voit plus rien, il est « complètement perturbé ». Beaucoup de personnes pleurent, d’autres sont en colère. Il demande à être conduit à l’infirmerie mais on le lui refuse, il s’énerve. Face au président de la Cour, Ma.D. hausse la voix pour raconter la suite : des policiers lui reprochent d’avoir excité les foules et, sur ce motif, l’isolent dans la salle des cabines téléphoniques puis dans une chambre. Ils le frappent. Pendant une heure, il y restera seul et menotté. « Où sont les vidéos de ces caméras ? » interroge-t-il. Une fois relâché, il rejoint des co-retenus dont il est proche, A.D., M.D. et M.K. Il a vu de la fumée ce soir-là, oui, mais il était en train de parler à un responsable. Il ne sait ni d’où le feu est parti ni qui l’a déclenché. Ensuite, la nuit a été calme.

Le dimanche 22 juin 2008 commence pour Ma.D. comme à son habitude. Réveillé aux alentours de midi, il va déjeuner vers 13h. Après le repas, un retenu qui fait office d’imam propose une prière à la mémoire de M. Souli suivie d’une marche à son hommage. Ma.D. y participe, il est au deuxième rang. Mais quand après la minute de silence des policiers courent tout à coup vers le CRA 1, les retenus sont pris d’un mouvement de panique : la plupart se mettent à entrer et à sortir des bâtiments, courant dans tous les sens, sans but. « Tout le monde était perturbé, paniqué ». Voyant les autres sortir des matelas, Ma.D. fait de même « sans se poser de question ». Il insiste sur le fait qu’il agissait sur les conseils des autres. Quelqu’un lui a dit de ramener le matelas à l’intérieur, il l’a fait. Quelqu’un lui a donné un bout de journal en feu, il l’a pris. Il souhaitait le jeter par la fenêtre mais n’a pas réussi. A aucun moment, il ne pouvait imaginer que le centre allait brûler.

Les témoignages des policiers à l’épreuve de leurs contradictions

Le président reprend la parole pour énumérer les déclarations des policiers à propos de Ma.D. Sept agents ont reconnu le prévenu, la plupart grâce à sa tenue marron et sa coiffure en « pics sur la tête ». Dans l’ensemble, les témoignages décrivent un individu « discipliné » lorsqu’il était seul mais « provocateur », « agité », « véhément » et « rebelle » en présence de M.D. Il lui est reproché d’avoir cherché la « confrontation » et d’avoir fait partie des retenus « les plus virulents ». Le prévenu se reconnaît dans les descriptions vestimentaires et physiques mais considère que les policiers se trompent sur sa personnalité : il n’est pas quelqu’un d’excité, il a toujours été calme, y compris en présence de M.D. Comme le constate le président, certaines déclarations des policiers laissent en fait présumer une confusion entre Ma.D. et d’autres retenus de Vincennes : un premier témoignage évoque un homme surnommé « Gassana », ce qui n’était pas le cas du prévenu ; un second se réfère à un individu ayant répété à plusieurs reprises : « Moi je sors de la Santé et je vais foutre le bordel », or Ma.D. n’a jamais été incarcéré dans cette prison. En revanche, il a au cours de son séjour en France écopé d’une amende pour détention de stupéfiant (en quantité minimale) et de deux peines d’emprisonnement pour un vol de petite envergure (un mois avec sursis) et pour infraction à la législation sur le séjour des étrangers. L’avocate de Ma.D. clôt l’audition sur la lecture d’un autre extrait d’une déclaration. Le prévenu y est décrit par un policier comme « courtois », même en présence de M.D. Il n’était « ni agressif, ni violent ».

Les vidéos (1) : à la recherche d’un coupable dans la cohue collective

Il est 14h30. Le président propose de passer au visionnage des images de vidéosurveillance du dimanche 22 juin 2008. Après avoir vu pendant quelques secondes la marche qui s’est déroulée à 15h23 dans la cour du CRA 2 (unité 1, caméra 4), Ma.D. se reconnaît au deuxième rang, aux côtés de A.D.

Me Stambouli interrompt alors brièvement le visionnage. Elle demande au président l’autorisation de faire entrer une quinzaine de personnes contraintes de rester à l’extérieur de la salle d’audience alors qu’il y a de nombreuses places assises à l’intérieur. Requête acceptée. Seule condition, que personne ne soit debout. Avec les nouveaux venus, la salle est quasiment pleine.

Après avoir diffusé la vidéo d’un couloir où Ma.D. sort d’une chambre avec de la literie (unité 1, caméra 2), le président passe une image du même couloir sous un autre angle (unité 1, caméra 3). Durant toute la durée de cette séquence, le couloir est occupé par plusieurs retenus qui font des allées et venues entre différentes chambres, souvent chargés de matelas ou de linges. Au milieu d’eux, à 15h28, le prévenu sort d’une chambre avec un matelas. Quelques minutes plus tard, il fait passer un objet enflammé d’une chambre à une autre, au fond du couloir à droite. « Qu’est-ce que c’est ? » demande le président. Ma.D. ne se souvient pas. Il suppose qu’il s’agit d’un mouchoir ou d’un journal. « Et qu’est-ce que vous allez faire ? » enchaîne le président. « Je ne sais pas, répond-il, on rentre, on sort, sans chercher à comprendre pourquoi ». Le président attire l’attention sur ce qui semble être une altercation entre Ma.D. et S.E. au même endroit. Le prévenu dit qu’ils s’étaient simplement mal compris. Le président, après avoir noté que le prévenu cherchait à obturer une caméra, souligne qu’il apporte un matelas dans la pièce qu’il vient de quitter : « Pourquoi ? » demande-t-il,« Vous l’avez mis sur le torchon enflammé ? ». Ma.D. répond par la négative : il n’a pas vu de feu dans la chambre et ne savait même pas si c’était la même. Il a simplement jeté le matelas. Il insiste sur la confusion qui régnait à ce moment-là.

Peu à peu, le couloir se vide et de la fumée commence à apparaître au fond à droite, au niveau de la chambre en question. Des retenus courent, certains récupèrent des affaires. A 15h37, le couloir est noir de fumée. Une explosion de faible portée a lieu, laissant des flammes rouges apparaître. Le président résume avec une pointe de cynisme : « Vous êtes entré avec un torchon ou un journal enflammé dans une chambre. Deux/trois minutes plus tard, la fumée a pris et il y a eu une explosion. Qu’en pensez-vous ? ». « Je ne sais pas », dit le prévenu. « Il y avait toujours des gens qui rentraient et sortaient (…) Je ne sais pas qui est qui et qui a fait quoi ». Me Boitel, après avoir rappelé que de nombreuses personnes sont entrées avant et après Ma.D. dans cette chambre, demande à repasser au ralenti cette vidéo à 15h31 et 10 secondes : avant l’arrivée du prévenu, un homme posté à côté de la chambre se protège le visage avec un linge, ce qui laisse supposer qu’un dégagement de fumée – et donc un départ de feu – auraient déjà eu lieu.

Passage à une vidéo de la cour du CRA à 15h30 (unité 2, caméra 6). On y voit Ma.D. marcher aux côtés de M.D. et E.S. Il a quelque chose à la main. Le président demande ce que c’est. « Je suis en train de manger une pomme », répond Ma.D. « Vous êtes sûr que vous n’êtes pas en train de fumer une cigarette ? » interroge le président. Ma.D. répète qu’il mangeait une pomme.

Avec la caméra 7 (unité 2), on apprend que Ma.D. est sorti dans la cour, un journal à la main, à 15h37.

Les vidéos (2) : la question du départ de feu à l’origine de l’incendie

Avec la caméra 8 (unité 3), on revient à une scène d’intérieur. A 15h36, un homme non identifié, E.S., A.D., Ma.D. et M.D. entrent dans une chambre, y restent moins d’une minute puis ressortent. Ma.D. y rentrera une seconde fois. Il dit être allé là comme il aurait pu aller ailleurs : « on a rien à faire, on a nulle part où aller ». Après leur passage, deux personnes entrent à leur tour dans la chambre. Aux yeux du président, elles ont l’air de venir chercher des affaires. A 15h38, de la fumée commence à sortir de la pièce. Me Boitel indique que de la fumée semblait déjà se dégager dans ce couloir avant l’arrivée des prévenus.

Le président interroge A.D. sur ce qu’il a fait dans cette chambre. A.D. ne se souvient pas ; il fait l’hypothèse qu’ils se sont peut-être rassemblés pour parler de la prière ou de la marche. Le président ironise en rappelant que la marche a déjà eu lieu depuis longtemps. A.D. réagit : il ne sait pas quelle heure il est sur la vidéo, il ne se rappelle pas où est cette pièce et ses souvenirs remontent à trois ans auparavant. Me Boitel rappelle qu’en outre, les prévenus visionnent ces images pour la première fois aujourd’hui. Me Braun déplore également l’absence de plan du CRA. Il croit se souvenir qu’il y en avait un dans le dossier et regrette que ce plan ne soit pas mis à disposition lors de l’audience afin de mieux se repérer. Mais pour le président, « peu importe à la limite où se situe la chambre » du moment qu’elle a pris feu et que les prévenus y sont visiblement passés ; à ses yeux, c’est cela qui est en question. Me Braun remarque qu’il serait tout de même intéressant d’identifier le départ de feu qui est à l’origine de l’incendie. Si cela n’a pas été fait, note-t-il, c’est sans doute car l’expertise demandée par les avocats de la défense en première instance n’a pas eu lieu. Me Boitel précise que le départ de feu identifié dans le rapport de l’instruction comme à l’origine de l’incendie ne se situait pas dans cette partie du CRA mais à son opposé, dans la salle de détente.

Les vidéos (3) : « Tout s’est fait devant les yeux des policiers et des caméras »

L’avocate soumet ensuite à la Cour plusieurs vidéos. Sur la première, on distingue l’arrivée de la marche à son terme, face à un grillage, dans une atmosphère calme. Il n’y a pas de dégradation et les retenus secouent à peine les grilles. La seconde vidéo permet de voir que plusieurs policiers ont assisté à 15h33 au départ de feu sur le tas de matelas sans intervenir. Par ailleurs, l’homme de ménage, qui n’a jamais été auditionné alors qu’il était au cœur des événements, est encore présent. A 15h34, les policiers partent en courant vers le CRA 1. « Tout s’est fait devant les yeux des policiers et des caméras », commente Me Boitel. Le président constate que, de fait, les policiers ne sont pas en grand effectif. Une autre bande révèle que les pompiers interviennent dans le centre à 15h52, ce qui corrobore ce qui a été dit auparavant par les deux parties, si ce n’est que les grands moyens (camion à échelle) semblent ne pas avoir été déployés sur place, selon des témoins à l’extérieur du centre, avant 16h38. Enfin, une dernière vidéo donne à voir la cour ayant servi à l’évacuation des retenus. Elle dévoile un autre aspect important de ces événements : les retenus ne sont pas très virulents (une table de ping-pong est renversée mais il n’y a pas de violence envers les policiers) alors que les policiers brandissent les gaz lacrymogène comme une menace, quand bien même leur rôle est précisément de faire évacuer les retenus en raison de la nocivité des fumées. Me Boitel conclut que les retenus sont bloqués entre, d’un côté de la cour, les grilles fermées et, de l’autre, deux policiers avec des gaz lacrymogènes. « C’est la gestion du service d’ordre à la gazeuse ».

M.D., une sensibilité à fleur de peau

« Parlez nous de vous »

Le président demande à M.D. de revenir sur son histoire, sa famille, son enfance, son arrivée en France et les métiers qu’il a exercés.

M.D. débute son récit. Il a 39 ans, est né à Bamako et a beaucoup de frères et sœurs. Il est en France depuis l’âge de 17 ans. Il est venu rejoindre des membres de sa famille dans le cadre du regroupement familial. Le président note qu’apparemment sa carte de séjour était périmée depuis 1994. Me Stambouli intervient pour expliquer que c’est une erreur et que sa carte de séjour est arrivée à expiration courant 2004. Le président répond que d’après les déclarations de M.D., le renouvellement de sa carte de séjour n’aurait pas été possible car il n’avait pas de domicile fixe.

M.D. poursuit, il raconte qu’il a travaillé dans divers secteurs comme l’électricité, la peinture…etc. Il n’était pas déclaré car il ne pouvait pas régulariser sa situation. M.D. informe la cour qu’il est marié religieusement et qu’il a huit enfants avec sa femme. Il précise que ses enfants sont français et lui aussi par son « grand père qui a fait la guerre ici ».
Le président demande de quelle guerre il s’agit. M.D. hausse alors le ton, il parle de son oncle qui a fait la guerre aussi puis affirme qu’il n’avait rien à faire au centre de rétention de Vincennes puisque ses enfants sont français. Il explique qu’il a le sentiment que sa condamnation en première instance est une vengeance contre lui.

Le président poursuit sur les différentes condamnations dont M.D. a fait l’objet. Il souligne que ça peut être un sujet qui fâche mais prévient M.D. qu’il va en parler. Il demande au prévenu ce qui a été le pire dans les condamnations. M.D. reprend que ce n’est pas ça le pire. Pour lui le pire c’est qu’on lui ait arraché ses enfants, « ça on n’a pas le droit de le faire ». Le président précise que la plupart des condamnations dont a fait l’objet M.D. concernent des infractions à la législation sur les étrangers liées au problème du non renouvellement de la carte de séjour. Le président revient sur deux autres condamnations dont une pour recel. M.D. lève la voix et s’insurge. Le président lui demande de se calmer. M.D. ajoute que s’il est allé en prison c’est pour avoir d’après la justice « soustrait » ses enfants qui lui avaient été préalablement enlevés par les services sociaux. Il précise alors que sa femme, enceinte de 8 mois, a dû faire face seule à cette situation [2].

Le président informe M.D. qu’il sera entendu mais qu’il faut qu’il le laisse parler. Il continue, « qu’avez-vous fait le samedi 21 juin et le dimanche 22 ? ». M.D. répond qu’il a été au téléphone avec sa femme tout le temps.

« Avez-vous été mis au courant de la mort de Salem Souli ? » M.D. répond qu’il l’a su plus tard. Après avoir eu sa femme au téléphone, il est sorti, il n’y avait plus personne. Il est alors parti faire sa toilette. Il a ensuite rencontré des détenus qui lui ont expliqué qu’ils avaient été gazés. Le président demande si M.D. a été mis au courant du départ de feu du samedi. Il répond que dans les CRA, c’est fréquent. Il précise qu’il n’a pas mis le feu car il n’avait aucune raison de le faire : il avait une famille et la possibilité de rester en France.

« Comment s’est déroulée la soirée du samedi 21 juin ? » M.D. répond qu’il ne sait pas car il est resté au téléphone avec sa femme toute la soirée.

« Et le dimanche, qu’avez-vous fait ? » M.D. répond que depuis les évènements de juin 2008 son cerveau ne fonctionne plus comme avant, il dit son cerveau « déconnecté » et conclut qu’il ne se souvient pas, que ce n’est pas possible pour lui.

Les déclarations des policiers relatent « le comportement de M.D à son arrivée au CRA, pas le jour des faits ! »

Le président précise qu’il va maintenant reprendre la déclaration des policiers qui font référence à M.D.. Il revient donc sur une dizaine de témoignages qui présentent M.D. comme une personne agressive lorsqu’elle rentre dans le centre. Ils le définissent comme un meneur.
Une policière affirme dans son témoignage qu’elle a reconnu M.D. à son physique et à sa tenue. Le président demande alors à M.D. quels vêtements il portait. Ce dernier s’énerve et raconte que le samedi 21 juin, des policiers, deux hommes et une femme, l’ont emmené dans une chambre, ils l’ont frappé, la policière a été témoin de cette scène. Il dit que cela, personne n’en a parlé, et que les policiers devraient « assumer » ce qu’ils ont fait ce jour-là. Le président remarque alors que M.D. peut se souvenir de certaines choses et pose une deuxième fois sa question « quels vêtements portiez-vous ? ».

Me Stambouli intervient et précise qu’elle ne pense pas que cette policière parle de M.D. vu qu’elle évoque un homme congolais, le président confirme qu’il n’en était pas sûr et qu’il avait mis un point d’interrogation sur ce témoignage. Un autre témoignage précise que M.D. aurait brandi un coran le 22 juin en criant « liberté ! liberté ! ». M.D. déclare qu’il n’avait pas de coran en sa possession mais plutôt un hadith. Il explique que c’est un livre de textes qui sont à la fois en français et en arabe. M.D. hausse le ton et informe la cour que beaucoup de personnes se revendiquent croyantes mais qu’elles ne le sont pas réellement.

Le président parle alors à M.D. en lui expliquant que l’audience ne peut pas continuer ainsi et que si Ma.D. et Me Stambouli lui demandent également de se calmer, c’est pour quelque chose. Le président ajoute qu’il pose des questions calmement et qu’il attend également des réponses calmes. L’un des assesseurs intervient alors et rappelle que la cour comprend qu’il a souffert, qu’ils le savent et qu’ils l’ont entendu. Elle demande à M.D. d’être raisonnable, d’écouter la cour et de répondre aux questions.

Me Stambouli revient sur les témoignages des policiers qui ne font mention du comportement de M.D. qu’à son entrée dans le CRA et non pas le jour des faits. Elle souligne qu’un policier témoigne qu’à part « la table de ping pong et l’épisode du Gymnase » [3], il n’a pas vu M.D. le 22 juin.
Le président ajoute à l’attention de M.D. que si l’on veut que le procès soit contradictoire, la cour a besoin de réponse et qu’il n’est pas possible de « revenir 20 fois sur les choses que l’on a déjà entendues »

Les vidéo surveillances : flamme, portable, montre ? L’effet miroir pose le doute

Avant le visionnage, le président souhaite repréciser avec M.D. sa position dans la marche (devant) et son habillement le jour des faits : baskets blanches, pantalon gris, haut bleu.
DVD 2, caméra 3 : un couloir apparaît. Le président souligne que l’on voit M.D. sortir un matelas. Il lui demande pourquoi il a fait ça. M.D. répond que tout le monde le fait. Il affirme également que s’il était dans le couloir c’était pour chercher son chargeur et que les vols dans le CRA sont fréquents. Le président confirme avec les dires de A.D. la veille.

Le président décrit un attroupement au fond de l’écran. Il informe M.D. qu’il en fait partie et indique qu’on le reconnaît car il brandit le hadith. La cour repasse la scène au ralenti et demande à M.D. s’il n’obstrue pas la caméra de surveillance avec son livre. Le président va chercher la même scène avec une autre caméra afin de la voir sous un nouvel angle. M.D. ne voit pas comment il aurait pu masquer les caméras car il y en avait quatre en tout.

A l’écran, le couloir sous un autre angle, on y voit M.D. avec le hadith, il le lève, le livre passe quelques secondes devant la caméra. Me Stambouli demande à la cour de voir la suite de la bande afin de constater que l’agitation dans le couloir ne se fait pas autour de la caméra. Malheureusement, les bandes sont abîmées et coupées sur quelques secondes, nous ne pouvons pas voir l’action dans son entier. Toutefois, Me Stambouli montre que l’agitation ne se fait pas autour de la caméra après les courtes coupures.

Caméra 2, à nouveau un couloir, des allées et venues, un retenu avec un haut rayé marron et noir sur l’écran. Le président demande à M.D. s’il le connait. Ce n’est pas le cas. Des matelas et des draps sont sortis des chambres, une personne fume dans le couloir.

Le président demande d’être attentif : à l’écran, M.D. entre dans une chambre, une lueur dans la main. Impossible de dire ce que c’est. Le président demande à M.D. si c’est un briquet. Il répond qu’il ne fume pas et qu’il n’a pas le souvenir d’en avoir eu un. Me Stambouli précise que lors de l’instruction, au moment du visionnage, les avocats présents s’étaient demandés si cette lueur ne serait pas un effet miroir, un reflet. Le président fait un arrêt sur image, impossible de définir ce qu’est cette lueur.

DVD 3, nous revoyons la scène du couloir que les avocats de la défense n’ont pas vu à l’instruction (voir témoignage de Ma.D.). On y voit certains prévenus entrer dans une chambre. M.D. est au pas de la porte et semble regarder ce qu’il se passe à l’intérieur. Ma.D. en sort en courant et entre à nouveau dans la chambre.

Le président demande à M.D. s’il cherche toujours son chargeur dans cette scène. M.D. confirme. Les prévenus sortent de la chambre et ferment la porte. Le président note qu’une personne entre ensuite et vient « chercher ses affaires ». Il termine en expliquant qu’une minute après de la fumée sort du haut de la porte de la chambre.

Le président informe la défense qu’il a terminé les visionnages qu’il souhaitait voir avec eux. Il demande à la défense si elle souhaite à son tour attirer son attention sur quelque chose.

Les avocats de la défense rappellent que, comme dans la vidéo concernant Ma.M., il n’est pas clair que la fumée sort de la porte de la chambre d’où sont partis les prévenus. Elle pourrait tout à fait venir du fond du couloir. Ils demandent au président où se trouve cette chambre à l’intérieur du centre. Est un départ de feu ? ou est ce que la fumée qui sort de la chambre a trouvé son origine ailleurs ?

Me Boitel souhaite montrer rapidement deux extraits de vidéos où l’on remarque que les reflets de montre et de téléphone portable peuvent apparaître en vitesse normale comme des lueurs. Le président, sur instruction de Me Boitel, va passer au ralenti deux extraits. Sur le premier en vitesse normal,e on aperçoit une lueur au poignet d’un détenu, alors qu’au ralenti on comprend que c’est une montre. Le deuxième extrait est moins flagrant mais pose question. La cour et les avocats semblent conclure que c’est un téléphone portable que l’on peut distinguer au ralenti à la main d’un retenu alors qu’à vitesse normale cette lueur pouvait être trompeuse.

Me Boitel conclut que cela peut prêter à confusion.

Le président demande aux prévenus s’il arrivait que des retenus fument dans les bâtiments du CRA. Ils répondent que non. Les témoignages des policiers font état de l’interdiction mais d’un laisser faire.

Le planning des prochaines audiences

Jeudi 20/10/11  : témoignages de N.A. et de M.S.

Vendredi 21/10/11 : audience annulée, un avocat de la partie civile n’est pas disponible car il plaide aux assises.

Jeudi 27/10/11  : plaidoirie des avocats des parties civiles et réquisitoire de l’avocat général.

Vendredi 28/10/11 : plaidoiries des avocats de la défense.
L’audience est levée.