Malgré Lampedusa, la politique d’immigration de l’UE restera celle du chacun pour soi

La Libre Belgique, 04/10/2013

Les pays du nord de l’UE, confrontés à une montée du populisme chez eux, ont toujours refusé de partager la charge migratoire des pays du sud, comme l ?Italie et la Grèce, et la tragédie de Lampedusa ne devrait pas changer la donne malgré les appels à davantage de solidarité.

Depuis des années, la Commission européenne souhaite, en vain, que les égoïsmes nationaux qui caractérisent les politiques migratoires cèdent la place à une véritable approche européenne.

"On a besoin du soutien des Etats-membres de l’UE", a relevé Michele Cercone, le porte-parole de la commissaire en charge de ce dossier, Cecilia Malmström.

Or, a-t-il ajouté, "les politiques migratoires, fragmentées, sont entre les mains des Etats-membres et considérées à l’aune de préoccupations intérieures".

"L’immigration est vue comme une menace, un problème, alors que l’on devrait voir les bénéfices qu’elle peut apporter", a-t-il dit.

La Commission plaide pour une nouvelle politique migratoire et notamment l’ouverture de nouveaux canaux de migration légale.

Mais, alors que les partis extrémistes ont le vent en poupe dans de nombreux pays européens, ce discours demeure inaudible et les Etats ne sont pas prêts à accueillir plus d’immigrés sur leur sol.

Ainsi, au Royaume-Uni, inquiets de la poussée à leurs dépens du parti nationaliste Ukip, populiste et champion de l’euroscepticisme, les conservateurs du Premier ministre britannique David Cameron ont sérieusement durci le ton sur l’immigration.

Aux Pays-Bas, le leader du Parti pour la liberté (extrême droite), Geert Wilders, vient de s’insurger contre la décision du gouvernement d ?accueillir 250 réfugiés syriens, estimant qu ?ils devraient être accueillis par les "riches pays du Golfe" et non par les Pays-Bas.

"Tout remise en cause de la règle qui prévaut depuis 2003 et qui stipule que les candidats à l’asile dans l’Union européenne n’ont le droit de déposer de demande que dans le pays par lequel ils sont entrés dans l’UE est exclue", a rappelé vendredi à Bruxelles un porte-parole de la présidence lituanienne de l’UE.

Tout au plus, l’UE s’est dotée d’une série d’outils communs parmi lesquels l’Agence Frontex de surveillance des frontières européennes.

Sauver des vies

Crée en 2004, Frontex, dont le nom exact est "Agence européenne pour la gestion de la coopération aux frontières extérieures", est censée analyser les routes migratoires et en tirer les conclusions opérationnelles en organisant des opérations aux frontières sur terre et sur mer.

L’agence dispose d’un budget, souvent jugé dérisoire, de 85 millions d’euros. "Au cours des deux dernières années, Frontex a sauvé 16.000 vies en Méditerranée", a souligné M. Cercone.

L’Italie, où ont afflué 25.000 migrants depuis le début de l’année, doute pourtant de l’efficacité de Frontex.

Selon le sénateur de droite italien Maurizio Gasparri, Frontex est "une structure inexistante, inopérante". "L’Europe ne dépense pas d’argent pour l’accueil (des réfugiés) et ne possède même pas en mer de bateau pour s’occuper de ceux qui s’aventurent en Méditerranée", a-t-il dit.

L’Union européenne s’apprête à lancer un nouveau système prévoyant notamment de mieux "pister, identifier et secourir" les navires chargés de migrants en danger. Ce nouvel outil, baptisé Eurosur, doit être discuté et voté par le Parlement européen la semaine prochaine à Strasbourg. Il entrera en vigueur le 2 décembre.

Drones, satellites et caméras de haute résolution font partie de la panoplie qui servirait à détecter les bateaux de migrants en mer.

Pas encore en place, ce nouvel outil fondé sur l’échange d’informations entre agences nationales chargées de surveiller les frontières maritimes, ne fait pas l’unanimité.

Eurosur constitue "la plus mauvaise réponse puisque cela ne fera que poser quelques verrous supplémentaires sans pour autant apporter de réponse au vrai problème qui est : +Pourquoi est-ce que des migrants ou des réfugiés ont besoin de venir en Europe+", a estimé Claire Rodier, vice-présidente du réseau Migreurop, spécialisé dans les questions migratoires.

"Accentuer le verrouillage ne peut que provoquer de nouveaux drames, la recherche de nouvelles routes de plus en plus dangereuses et coûteuses pour les migrants", a-t-elle ajouté.

Le système ne permettra pas de déceler tous les cas de détresse en mer mais, avec Eurosur, nous pouvons avoir une meilleure chance de sauver des vies, soutient Bruxelles.

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