Les demandeurs d’asile représentent près de 0,25 % de la population européenne

La Nouvelle République (France), 02/12/2015

Chercheur au CNRS à Poitiers, Olivier Clochard est spécialiste des migrants. Il resitue cette question à l’échelon européen et mondial pour élargir l’horizon. Interview.

Géographe, universitaire à Poitiers, chercheur au CNRS spécialisé sur les migrations internationales, Olivier Clochard travaille depuis des années sur les déplacements de population. Il a enquêté dans différentes régions (en France à Calais, Chypre) et il restitue sur des bases de données avec des collègues d’autres universités mais aussi de réseaux comme Migreurop, observatoire de frontières.

Les migrations de cet été avec les arrivées en Allemagne donnent un sentiment d’inédit, d’historique. Est-ce bien le cas  ?

« Il faut rester prudent avec les mots. Il existe bien une augmentation des déplacements de population puisque sur les neuf premiers mois de l’année, soit les chiffres font état de 750.000-800.000 arrivées dans l’Union européenne. En 2014, pour l’année complète, nous étions plutôt autour de 620.000 demandeurs d’asile. Alors historique, oui, dans une certaine mesure, mais je veux surtout dire qu’il ne s’agit pas d’un phénomène massif. L’an dernier,l’ensemble des demandeurs d’asile représentait 0,1 % de la population des 28 états membres de l’Europe. Cette année, ce sera un peu plus et la répartition entre les Etats membres n’est pas homogène. Elle se fait en fonction des projets des migrants, lesquels veulent d’abord retrouver des membres de leur famille, des amis. Si l’Europe reçoit 1 million de migrants, cela représenterait 0,25 % de sa population. À elle seule, la Turquie accueille autant que l’Europe entière. Le Liban, petit pays, compte aussi 1 million de réfugiés. »

La guerre fait fuir des populations. Est-ce la seule cause, existe-t-il aussi des réfugiés climatiques ?

« Tant que les conflits ne s’arrêteront pas, en Syrie, en Lybie, ou en Erythrée où sévit la dictature, des populations continueront à se déplacer. Elles cherchent de meilleures conditions d’existence, mais la crise peut aussi être d’ordre économique et être liées aux conséquences des politiques du FMI ou de l’OCDE pour libéraliser un secteur marchand au détriment des populations locales. Je pense par exemple à la libéralisation des eaux maritimes du Sénégal au milieu des années 2000. Cette ouverture a permis aux chalutiers coréens ou européens de pêcher dans les eaux sénégalaises poussant les locaux jusqu’aux îles Canaries. Pour les réfugiés climatiques, il n’existe pas encore de statut pour les définir. Les personnes qui fuient les zones asséchées ou désertiques restent souvent dans le même pays. Il n’existe pas encore de migration de masse, on le voit avec les îles Tuvallu, dans l’Océan Pacifique. Elles appartiennent à des régions très observées car confrontées à la montée des eaux. »

Aujourd’hui, une partie de l’opinion allemande reproche à Merkel d’avoir trop vite souhaité la bienvenue aux migrants.

« L’Europe reste une des premières puissances du monde. Merkel a peut-être parlé de façon trop personnelle, pour elle. Mais je rappelle que l’Europe a signé la Convention de Genève de 1951 qui, pendant la guerre froide, permettait aux états d’accueillir les populations persécutées par l’URSS. Elles pouvaient franchir les frontières sans document en règle. Les états membres ont l’obligation de respecter cette convention. Nous voyons ainsi des entorses, avec la Hongrie qui monte un mur pour empêcher l’accès à son territoire. »

La question doit être prise globalement.

« Aujourd’hui, à l’échelle mondiale, les migrations internationales représentent 250 millions de personnes. A regarder de près les chiffres de l’OCDE, ceux de 2013, les mouvements les plus importants se font un peu plus entre pays du sud, 36 %, et un peu moins du sud vers le nord (35 %) pour un peu moins de 80 millions de personnes. »

Lien vers l’entretien de Raphaël Chambriard sur La Nouvelle République.fr