En Allemagne, des centres d’accueil de plus en plus fermés

Allemagne, terre d'expulsion, l'envers d'une politique de (...)

Depuis 2015, la tendance en Allemagne est de normaliser l’ouverture de centres dits de « premier accueil », en regroupant plusieurs administrations sur un même site. Ces centres ont pour but de permettre aux exilé.e.s de clarifier leur situation administrative et de déposer une éventuelle demande d’asile. En théorie, ceux-ci ne doivent pas y rester plus de six mois, et sont ensuite transféré.e vers des Gemeindezentren, des centres d’accueil gérés par les communes, même si l’examen de la demande de protection est toujours en cours. Cette tendance à la rationalisation des moyens sur un même site a eu pour but d’accélérer la prise de décision — en minimisant les possibilités pour les exilé.e.s d’être assisté.e.s par une association indépendante par exemple —, mais également d’accélérer le renvoi et surtout les isoler du reste de la société civile.

Après son arrivée au gouvernement fédéral en mars 2018, le ministre de l’Intérieur Horst Seehofer —par ailleurs leader du conservateur parti bavarois CSU — a immédiatement relancé le débat sur l’accueil des étrangers en Allemagne. S’inspirant du projet pilote mené en Bavière, il a mené une réforme controversée des centres d’accueil, en lançant début septembre 2018 la création de centres semi-fermés répondant au doux nom de « Ankerzentren », littéralement « centres-ancres » . Anker est l’acronyme en allemand pour Ankunft, Entscheidung et Rückkher : accueil, décision et retour. L’idée est toujours la même : il s’agit de rassembler toutes les administrations intervenant dans la procédure d’asile sur un même site, dans lequel les exilé.e.s sont placé.e.s jusqu’à la fin de leurs démarches. Ce confinement peut durer jusqu’à 18 mois pour celles et ceux dont les perspectives de rester en Allemagne sont faibles, tout comme pour les personnes issues de pays dits « sûrs », ou des pays avec lesquels l’Allemagne a signé des accords de réadmission. Celles et ceux qui se sont vus accorder une protection peuvent être transféré.e.s dans un autre centre d’accueil géré par les communes. Pour les autres, pas question de quitter le centre jusqu’à épuisement des voies de recours possibles. La procédure en appel est en outre accélérée, permettant ainsi d’expulser plus rapidement les débouté.e.s.

Dans ces centres immenses, aux capacités d’accueil de plusieurs milliers de places, la mobilité est limitée : les exilé.e.s peuvent sortir du centre, mais n’ont pas le droit de circuler sans autorisation hors d’un périmètre délimité, ou de quitter le centre plus de deux jours, et doivent respecter un couvre-feu. L’accès à l’emploi, aux cours de langue, aux services de santé, et à la scolarisation y est restreint . Pour l’instant, neuf établissements de ce type ont ouvert leurs portes, dans la Sarre, en Saxe, et en Bavière.

Avec les changements successifs de législation en Allemagne depuis 2015, les difficiles conditions de vie dans les AnkerZentren étaient déjà une réalité pour les exilé.e.s, avec des personnes isolées à long terme jusqu’à leur expulsion. Cependant, le concept du “Ankerzentrum” vient amplifier et systématiser — à l’échelle européenne — la mise sous contrôle des exilé.e.s en vue de leur éloignement du continent.

En parallèle, trois ans après la crise des politiques migratoires européennes, l’Allemagne refait le choix assumé de l’utilitarisme migratoire en adoptant fin 2018 une nouvelle Loi sur les travailleur·euse·s qualifié·e·s.