Externalisation des camps : le processus a déjà commencé

nouvelobs.com 19 octobre 2004

Claire Rodier est permanente du Gisti (groupe d’information et de soutien des immigrés).

3 QUESTIONS A... Claire Rodier

Que pensez-vous de la proposition de Berlin d’établir des camps de transit en Afrique du nord pour filtrer les candidats à l’immigration ?

D’abord l’idée est très floue puisque les terminologies employées pour qualifier les éventuels projets évoluent. Mais l’idée de créer des camps de demandeurs d’asile dans des pays qui eux-même sont des sources de demandeurs est aberrante. L’UE veut se débarrasser de la question en disant qu’elle aidera ensuite les pays à renforcer leur capacité à lutter contre l’immigration. Mais ces pays sont pour la plupart des pays qui n’ont pas signé les Conventions internationales. On s’achemine vers une externalisation du traitement des demandes des migrants qui souhaitent venir en Europe, ce qui aboutirait à ne plus avoir aucun contrôle sur ces traitements. L’UE veut se débarrasser de ses responsabilités, même si c’est au prix de la vie des gens qui sont en demande de protection.
Après ce G5 on a eu par ailleurs l’impression qu’une opposition était née contre ce type de camps et en particulier de la part de Dominique de Villepin. Mais si on y regarde de plus prêt on constate que, deux ou trois jours avant, il déclarait être favorable à des « guichets » au Maghreb où les migrants pourraient être accueillis et aidés à rentrer chez eux.
Certains pays lancent des ballons d’essai en parlant de ce genre de projet et face au tollé, reculent. Mais jamais entièrement. Il y a toujours un pas de franchi. Ainsi, la Commission européenne a débloqué un million d’euros pour étudier la faisabilité de ce genre de camps.

Concrètement, pensez-vous que cela soit mis en place à brève échéance ?

Le processus a déjà un peu commencé en fait. Des lieux sont listés. L’Italie a annoncé qu’elle allait créer un partenariat avec la Libye dans ce sens. On n’appellera sans doute pas ça des « camps », plutôt des « centres d’accueil », mais quelle différence ? D’ailleurs il n’y a pas que l’Afrique du Nord qui soit concernée. La Pologne et les Pays baltes ont commencé à dire que des camps étaient nécessaires en Ukraine pour faire face à l’arrivée de Tchétchènes.

Quelles mesures l’Union européenne devrait-elle prendre selon vous ?

L’affaire des camps est arrivée en juillet parce que 30 migrants sur un bateau allemand voulaient parvenir jusqu’en Italie. La pression est vendue par les Etats membres : « C’est ça ou on est envahi ! » avancent-ils. Mais c’est faux. L’UE accueille 5% des réfugiés de la planète alors que l’Europe est parmi les plus prospères. Les solutions ne sont pas celles qu’on propose. L’UE a les épaules assez larges pour faire face.

Propos recueillis par Céline Louail