L’Espagne durcit le ton face aux clandestins

La plupart des 21 500 Africains débarqués aux Canaries cette année se sont installés sur le continent européen

« Tout immigré qui entre clandestinement en Espagne doit savoir que, tôt ou tard, il sera expulsé ».

Tel est l’avertissement lancé hier à Madrid par la numéro deux du gouvernement espagnol, Maria Teresa Fernandez de la Vega, aux candidats à l’exil.

Ce message de fermeté, adressé au cours de la IVe Conférence internationale des ambassadeurs, survient alors que les arrivées massives d’immigrants illégaux africains en barques vers l’archipel des Canaries ont repris de plus belle. Profitant des dernières accalmies climatiques, près de 2 500 nouveaux clandestins ont débarqué dans le chapelet d’îles ces cinq derniers jours, constituant un nouveau record d’arrivée. Au total, ils sont 21 500 sans papiers à avoir foulé le sol canarien depuis le début de l’année.
 
Situé à quatre jours de navigation des côtes marocaines, l’archipel des Canaries est une porte d’entrée sur l’eldorado européen pour la grande majorité des Subsahariens. « Une fois aux Canaries, la plupart des Africains sont presque sûrs de rejoindre le continent », commente le Sénégalais Mohamed Ndayé, membre d’une association d’aide aux immigrés.

Selon des données du ministère des Affaires sociales, nombreux sont en effet les immigrés qui parviennent à atteindre la terre promise : sur les près de 20 000 immigrés débarqués au cours de cette année dans les îles, 11 826 ont été transférés vers la péninsule par les autorités espagnoles. « Lorsque les six centres de détention de l’archipel sont saturés comme c’est le cas en ce moment, on organise des charters vers la péninsule », assure un membre de la Croix-Rouge.

Une fois en Espagne, ces clandestins sont alors lâchés dans la nature avec 30 euros et un avis d’expulsion en poche, quasiment inapplicable. D’après les ONG, qui prennent en charge 80% des immigrés, la plupart d’entre eux choisissent de rester en Espagne. « Ils vont là où il y a du travail non qualifié et pouvant être exercé sans papier, c’est-à-dire l’agriculture dans le Sud et le Levant », commente un membre de la plus importante des ONG, l’Association catholique espagnole de la migration, en charge de 2 755 immigrés.
 

Travail illégal

 
« C’est là que réside la grande erreur de notre politique de l’immigration », s’insurge la chargée de l’immigration à la Communauté de Madrid, qui se plaint de recevoir trop d’immigrés illégaux en provenance des Canaries. « L’État espagnol doit faire pression sur les pays africains pour qu’ils acceptent les rapatriements. On ne peut pas continuer à les transférer vers la péninsule et favoriser ainsi le travail illégal », fulmine-t-elle. C’est bien là que le bât blesse. Seulement 8% des immigrés africains arrivés cette année dans les Canaries ont pu être rapatriés vers leur pays d’origine.
 
Hier, Maria Teresa Fernandez de la Vega s’est montrée particulièrement sévère envers certains ambassadeurs des pays africains, qui rechignent à appliquer les accords bilatéraux et internationaux de rapatriement d’immigrants illégaux. Ne respectant pas ces accords, l’Algérie, la Mauritanie et le Nigeria sont particulièrement visés. Au printemps, l’Espagne avait lancé une offensive diplomatique, dénommé « Plan Afrique », pour développer sa présence sur le continent africain, où ce pays ne compte à ce jour que huit ambassades.

Malgré ses efforts, les arrivées massives de clandestins n’ont cessé de croître et devraient se poursuivre. L’immigration clandestine est désormais au premier rang des préoccupations des Espagnols devant le chômage et le terrorisme de ETA, selon un sondage diffusé, hier, par la radio Cadena Ser.

Afin de faire taire les critiques de la droite, qui accuse la gauche d’avoir suscité un appel aux frontières en légalisant l’an dernier 700 000 immigrés, le gouvernement socialiste redouble d’efforts diplomatiques pour tenter de mobiliser ses partenaires européens contre ce phénomène qui touche également l’Italie et Malte.

Madrid va organiser d’ici à la fin du mois une réunion ministérielle sur cette question en présence de huit pays de la frontière sud de l’Europe - Espagne, France, Italie, Portugal, Grèce, Chypre, Malte, Slovénie. Les ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur conviés à cette réunion seront chargés d’élaborer une proposition globale de contrôle des frontières maritimes au sud de l’Europe, qui sera présentée au sommet européen de décembre.

Source : Le Figaro