Expulsions : se taire sous toutes les altitudes

Communiqué Ligue des droits de l’homme (Belgique)/CIRE

29/04/2008

Pour avoir manifesté son refus de voyager alors que son avion résonnait des cris d’une personne en voie d’expulsion, un passager de la compagnie Brussels Airlines a été détenu une dizaine d’heures dans une cellule de Zaventem et est interdit de vol sur cette compagnie pour six mois. Vous avez dit disproportionné ?

Samedi dernier, le 26 avril, M. Ngajui Fosso, en voyage pour rejoindre sa famille, fait escale à Bruxelles pour prendre l’avion de la compagnie Brussel Airlines qui doit le mener à Douala.

Une fois installé dans l’avion, il constate qu’au dernier rang, un homme encadré par 4 policiers, plus des policiers en civil, se débat et crie. Tandis que les autres passagers s’installent, il signale à une hôtesse, d’un ton courtois, « Je ne peux pas voyager dans ces conditions », faisant allusion aux cris de la personne expulsée. Des cris partiellement étouffés par les policiers qui tentent de le faire taire. D’autres passagers manifestent leur indignation, tout aussi pacifiquement. Les policiers décident alors de sortir la personne expulsée de l’appareil.

Alors que M. Fosso s’est rassis sur son siège, des policiers entrent dans l’appareil et l’arrêtent avec deux autres passagers. Tous les trois sont sortis violemment de l’avion et sont conduits dans une cellule de l’aéroport. M. Fosso sera libéré une dizaine d’heures plus tard.

La compagnie aérienne lui notifie oralement le soir même qu’il ne sera pas remboursé et qu’il est interdit de vol pendant 6 mois sur Brussels Airlines. Ce point lui sera confirmé dans un courrier daté du 28 avril 2008 dans lequel la compagnie soutient qu’il aurait refusé de se conformer aux instructions de sécurité données par le personnel de cabine, provoqué une « émeute » et « mis sérieusement en danger la sécurité des autres passagers », autant d’éléments que M. Fosso conteste de la manière la plus formelle.

La LDH et le CIRE dénoncent les agissements de la police qui conduisent à criminaliser des personnes qui manifestent pacifiquement leur opinion par rapport à une situation qu’ils peuvent légitimement trouver choquante. Alors que M. Fosso a manifesté son opinion avec calme et courtoisie, son comportement a ensuite été qualifié unilatéralement et abusivement par la compagnie, sans prendre la peine de l’entendre, de manière à pouvoir lui appliquer de manière abusive des clauses du règlement . En particulier, il est ridicule de soutenir qu’il aurait mis en danger la vie de qui que ce soit. Les associations s’interrogent également sur le fait de savoir si la demande de débarquer les trois passagers émanait de la compagnie aérienne Brussels Airlines.

Par ailleurs, il est inquiétant de constater que ce genre d’affaires semble se multiplier. En France, où plusieurs cas similaires se sont produits, les syndicats du personnel d’Air France ont demandé, sans succès, que les avions de la compagnie ne soient plus utilisés dans le cadre d’expulsions. En Angleterre, au début du mois d’avril, un commandant de British Airways a débarqué indistinctement 136 passagers (!) parce que certains d’entre eux manifestaient leur mécontentement face à une expulsion. Un de ces passagers a ensuite été interdit de vol à vie sur British Airways...

Parallèlement à ces affaires, on apprend que les policiers français qui procèdent aux expulsions sur les vols d’Air France reçoivent des miles gratuits... A quand cette promotion sur Brussels Airlines ?

Outre les questions soulevées par cette arrestation arbitraire et les conditions de détention, cette affaire pose également la question de la disproportion entre le fait de manifester son opinion et le fait de subir un dommage économique, moral et de se voir infliger une interdiction de vol sur une compagnie aérienne. La LDH et le CIRE jugent qu’une telle réaction en provenance de passagers est saine dans une démocratie qui semble s’accommoder de ce genre de pratiques contestables, d’autant que cette contestation est exprimée de manière totalement pacifique.

La LDH et le CIRE soutiendront M. Ngajui Fosso dans les démarches juridiques qu’il compte entreprendre

sur le site de la LDH belge