Grèce

GRECE

Généralités

La Grèce tout au long du 20ème siècle était un pays d’émigration, à part quelques dizaines (40.000 environ) d’immigrés venus du Pakistan, Philippines, Égypte et Maroc. A partir du milieu des années 80, et surtout à partir de 1989 avec la chute des régimes communistes des pays de Balkans et d’Europe de l’Est, la Grèce se transforme en un pays d’immigration (Selon la Καθημερινή du 6/1/1991 le nombre d’étrangers s’élève à 500.000 personnes). A partir de 1990, un grand nombre de migrants essentiellement albanais (environ 57% de la population immigrés), mais également bulgares, géorgiens, roumains, russes immigrent vers la Grèce.

En raison de sa situation géographique particulièrement complexe, la Grèce se situe sur la route :
 d’un grand nombre d’exilés fuyant guerres et conflits armés (afghans, kurdes, irakiens, iraniens, soudanais, pakistanais etc.) ;
 de migrants venant essentiellement d’Afrique de l’Est mais également du Nigeria, de Philippines et du Maghreb qui en essayant de contourner les obstacles mis en place par l’Union européenne sur les routes migratoires traditionnelles joignent la Turquie puis la Grèce.

Législation sur les étrangers

Les premières lois grecques sur l’immigration date de 1991 avec plusieurs modifications à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Aujourd’hui, le statut des étrangers en Grèce est régi essentiellement par la loi 3386/2005 relative à l’entrée, le séjour et l’intégration sociale des ressortissants de pays tiers en Grèce [1] .

Selon le dernier recensement en Grèce, la population était de 10.964.020 personnes dont 762.191 personnes qui n’ont pas la nationalité grecque (7% de la population) et dont 690.000 personnes sont des ressortissants de pays tiers (690.000). Les Albanais constituent la majorité des étrangers en situation régulière (56%), suivis des Bulgares (5%), des Géorgiens (3%) et des Roumains (3%) [2] . Ces informations ne correspondent cependant plus à la réalité en raison des deux régularisations successives de 2001 et 2006 en Grèce (qui n’ont été que partielles et n’ont accordé qu’un statut très précaires aux immigrés).

La Grèce a signé les principales conventions de protection des droits humains [3] . Il est à noter que la Grèce n’a pas signé le Protocole 4 de la « CEDH » interdisant les expulsions collectives.
Le ministère de l’Ordre public et la police grecque sont responsables de l’examen des demandes d’asile et de l’octroi du statut de réfugié ou de la protection humanitaire. La police nationale est responsable de la détention des personnes en séjour irrégulier et des demandeurs d’asile le cas échéant. Le ministère de l’intérieur est responsable de l’immigration légale, et le ministère de la santé est en charge des droits sociaux et des centres d’accueil des demandeurs d’asile.

Asile

L’asile est régi par la Loi 1975/1991 et des Décrets Présidentiels (DP 61/1999 et 189/1999). Une série des Décrets Présidentiels récents vient transposer les directives européennes dans le droit grec (DP 220/2007 « directive accueil » DP 96/2008 « directive normes minimales », DP 90/2008 « directive procédure »¨ [4]). Ces trois derniers textes viennent combler précipitamment et sans réel approfondissement le grand retard de la Grèce en matière de transposition des directives en matière de politique d’asile.

 Les demandes d’asile des Irakiens représentaient 87,02% en 1997 et 73,35% en 1998 des demandes déposés en Grèce. Ce pourcentage commence à fortement baisser à partir de 1999 (59,29% pour 1999) pour arriver à 10,73 pour 2005.
 Les demandes d’asile des Afghans connaissent une augmentation à partir de 1997 (0,77%) avec un pique pour l’année 2000 (14,47%) et 2001 (26,53) pour baisser ensuite au dessous de 10% de demandes d’asile déposées en Grèce.
 Les demandes d’asile des Pakistanais ont également augmenté pour passer de 0,11% en 1997 à 4% pour 2000 et 2001 et atteindre 12,75% pour l’année 2005.
 Les demandes des Turcs représentaient également un fort pourcentage pour les années 1998 (10,43), 1999 (12,76%), 2000 (19,17%), 2001 (14,55%). Ensuite, les demandes d’asile des Turcs connaissent une importante baisse et tournent autour de 2% pour les années suivantes.
 A partir de 2002, des demandeurs d’asile d’autres nationalités font leur apparition en Grèce : Somaliens (avec un pic de 5,21% en 2005), Soudanais (entre 1,5% et 2%), congolais (RDC), Nigériens (7,27% pour 2004), Géorgiens (20,96% pour 2005 alors que c’était 7,23% pour 2004 et 6,95% pour 2006), Bangladeshis à partir de 2003.
Les autres nationalités sont les Iraniens, Sierra léonais ou les Palestiniens.

Le pourcentage de reconnaissance du statut de réfugié en Grèce est l’un des plus bas en Europe, surtout à partir de 2002 [5] .

Détention

Il existe trois types de lieux dans lesquels les étrangers peuvent être enfermés : les « centres de rétention pour étrangers irréguliers » (officiels, des « lieux spécifiques » selon la Loi 3386/2005), les « zones d’attentes » (une seule à l’aéroport d’Athènes) et les « centres de rétentions » non officiels, postes de polices etc. Les étrangers sont détenus parce qu’ils ont tenté d’entrer sur le territoire sans les documents nécessaires (ils sont placés en zone d’attente) ou parce qu’ils font l’objet d’une mesure d’éloignement (ils sont alors retenus en centres de rétentions et la zone d’attente).

Il n’y a pas de service médical permanent dans les centres de rétention des étrangers. Selon les centres, les étrangers sont soit transférés aux hôpitaux publics de l’endroit pour les examens et les soins nécessaires, soit un médecin rend régulièrement visite au centre avec la possibilité de prescrire une hospitalisation en cas de besoin. Les ONGs n’ont pas accès aux centres de détention. Exceptionnellement, dans certains centres surtout ceux des îles (Samos, Chios et Mytilène), les autorités tolèrent l’intervention des associations. Ces dernières peuvent prendre la forme d’une assistance matérielle et humanitaire, et dans de rares cas elles peuvent apporter une aide juridique. L’ONG Médecins Sans Frontières a effectué en février 2008 des visites au centre de détentions pour étrangers à Chios, Lesvos, Samos et dans la région d’Evros. Depuis juin 2008, ils effectuent des visites régulières au centre de détention de Mytilène.

Selon les textes, les personnes détenues sont informées dans la langue qu’ils comprennent des conditions de séjour, de leurs droits et obligations. L’article 76 § 3 de la L. 3386/2005 prévoit expressément que l’étranger doit être informé des raisons de sa détention et de la possibilité de communiquer avec son avocat. Les textes n’évoquent pas les autres droits des détenus (accès aux soins médicaux, aide juridictionnel, droit de visite, téléphone etc.) Dans la pratique, les étrangers ne bénéficient d’aucune aide juridictionnelle, ni des contacts avec leurs familles ou proches (d’autant plus que les centres de rétentions sont situés aux zones frontalières éloignées des villes) et n’ont pas accès à un téléphone.

Personnes vulnérables

Les catégories de personnes bénéficiant de protection contre l’éloignement et, en théorie, de la détention en vue de l’éloignement (article 79 L3386/2005) :
 mineurs,
 parents d’un mineur en situation régulière,
 parents d’enfant grec (ayant l’autorité parental ou replissant l’obligation alimentaire),
 majeurs de 80 ans,
 réfugiés ou demandeurs d’asile,
 femmes enceinte et six mois après l’accouchement.
Cependant, cette protection contre l’éloignement n’entraîne pas en pratique une levée de la détention des étrangers et les personnes peuvent continuer à être détenues.

Les demandeurs d’asile peuvent être retenus dans les « centres de rétention pour étrangers irréguliers » pendant une période de 3 mois maximum. Leur demande d’asile (antérieur ou postérieur à leur placement en détention) ne suspend que l’exécution de la mesure d’éloignement jusqu’à l’obtention de la carte du demandeur d’asile ou suite aux 3 mois de rétention. Sur les îles grecques, des femmes enceintes sont détenues à leur arrivée avant d’être libérées ou transportées à l’hôpital. Des mineurs peuvent être également détenus ; accompagnés de leur parents ou à leur arrivée sur le territoire. La détention des personnes vulnérables protégées contre l’éloignement témoigne de l’absence criante de structures d’accueil et d’aide des primo arrivants sur le territoire grec.

Pour les mineurs, la police doit, en théorie, saisir le « procureur pour enfants » qui joue un rôle de gardien et représente le mineur pour toutes les procédures. Cependant, en pratique, ces « procureurs pour enfants » ne sont pas saisis. Ainsi, les mineurs isolés peuvent faire l’objet de décisions d’expulsions et de détention. Il n’existe pas de procédure de détermination de l’âge et le test osseux n’est pas utilisé. En théorie, les mineurs demandeurs d’asile doivent pouvoir bénéficier d’un « centre d’accueil ». Mais en pratique, les places sont insuffisantes et le voyage vers ce lieu d’accueil n’est pas pris en compte.

L’article 46 de la L. 3386/2005 a intégré dans la législation grecque la directive pour la protection des victimes de la traître des êtres humains, mais aucun moyen n’a été mis en place pour l’identification et la prise en charge de ces personnes.

Accords de réadmission

La Grèce a conclu des accords de réadmission avec les pays suivants : -Croatie (1995), Slovénie (1995), Roumanie (1995), Pologne (1996), Lettonie (2000), Italie (2000), Lituanie (2001), France (2001), Bulgarie (1996 en vigueur 1998), Hongrie (2006), Turquie (accord du 5 juillet 2002 sur la mise en application de l’article 8 prévoyant la réadmissions de l’accord de coopération sur « le crime, le terrorisme, le crime organisé, le trafic de drogues et l’immigration illégale »).

Externalisation et surveillance des frontières [6]

Le principal organisme de contrôle est la police aux frontières, soutenu, selon les régions, par la police nationale ou les garde-côtes. Lors des contrôles terrestres, l’armée peut également participer aux opérations d’interception des migrants. Le long de la frontière terrestre de la région d’Evros, le gouvernement grec a mis en place un système de contrôle où agissent principalement les trois forces de l’ordre (police nationale, police aux frontière, armée). Aux quatre points de contrôle « officiels » gérés par la police aux frontières s’ajoutent des équipes mobiles chargées du contrôle de l’immigration.

Les opérations d’interception maritime dans les îles de la mer Egée sont effectuées par les garde-côtes grecs, avec renfort des bateaux de la marine militaire lors des périodes d’affluence. L’aire de compétence grecque de sauvetage en mer est théoriquement fixée à mi chemin entre la Grèce et la Turquie. Cependant, cette ligne est souvent déplacée en fonction des intérêts du moment. La région de la mer Egée est de plus l’un des points cibles du projet d’interception maritime mis en place par Frontex. Les opérations organisées entre la Grèce et Malte, et celles menées dans les régions de la mer Egée, de Patras et d’Evros sur une période de 8 mois en 2008 ont été nommées opérations Poséidon. Ces opérations de coopération européenne ont pour mission d’identifier les embarcations détectées à l’intérieur de la zone de responsabilité grecque grâce à des patrouilles aériennes notamment, et des contrôles à l’embarcation des ferries au départ de l’Italie.

Deux études réalisées par pro Asyl et par Human Right Watch en 2006 et 2008 avaient déjà mis en lumière les pratiques de refoulement par les gardes-côtes dans la mer Egée. Les témoignages démontrent que pour éviter d’avoir à accueillir des migrants sur leur sol, les gardes-côtes grecs choisissent fréquemment de renvoyer les embarcations dans les eaux territoriales turques.

Etat de mobilisations

On peut rappeler, entre autres :
 15 immigrés à Hania de Crète ont commencé la grève de la faim le 11 novembre 2008. Après plusieurs semaines de grève de la faim et des mobilisations à toutes la Grèce, les quinze personnes ont été régularisés. Il s’agit de la plus récente grève de la faim, après plusieurs années d’abandon de cette pratique de lutte.
 Organisation de camps no border à Lesbos en Aout 2009 [7] et à Patras en août 2008 [8].
 Depuis 2006, une mobilisation « contre le racisme dès le berceau » s’amplifie [9]
 Festivals antiracistes organisés par les collectifs antiracistes et les communautés d’immigrés tous les ans, pendant la période de juin-septembre dans différentes villes grecques (Thessalonique, Athènes, Patras, Crète etc.).