Visionnage des vidéos du CRA : circulez, rien à voir !

Audience du 3 février 2010

Avertissement : un procès à charge Le compte-rendu de l’observation judiciaire réalisée par Migreurop, présent pendant toute la durée du procès, donne l’impression d’un procès qui s’est déroulé entièrement à la charge de prévenus. De fait, à partir du quatrième jour, la défense a décidé de quitter le prétoire, estimant, après le refus de la présidente du tribunal d’accéder à ses demandes d’information complémentaire et de renvoi de l’audience, que les conditions d’un procès équitable n’étaient pas réunies. C’est donc en l’absence des prévenus, de leurs avocats et des témoins cités par la défense qu’a continué le procès. Migreurop a cependant continué son observation, dont la chronique quotidienne tout au long des huit jours d’audience reflète une implacable construction. Une construction qui, à partir de l’interprétation de bandes vidéos pour l’essentiel illisibles, de dépositions recueillies dans des conditions contestables et de témoignages provenant tous de source policière, a abouti à un réquisitoire de plomb que n’étaye aucune preuve formelle de culpabilité.

A quelques minutes de l’ouverture de l’audience, la Cimade a lancé une campagne « Non à un camp d’internement des étrangers au CRA du Mesnil Amelot », l’association française dénonce dans son communiqué « que les audiences du procès des inculpés de l’incendie du centre de rétention de Vincennes se poursuivent, l’administration s’apprête à créer à nouveau les conditions d’un drame. » (http://www.lacimade.org/minisites/mesnil2 ). Effectivement, ironie du sort ou non, les autorités françaises sont donc sur le point d’ouvrir, une nouvelle aile au centre de rétention de Mesnil Amelot qui passera ainsi de 140 places à 240.

14h10, l’audience débute. La défense et les prévenus sont toujours absents, les parties civiles et leur conseil ainsi que l’avocat du trésor sont présents. Comme la veille, plusieurs affaires sont renvoyées à des dates ultérieures afin de poursuivre les audiences du procès des « inculpés de Vincennes ».

L’interprète est remercié pour la troisième fois de la semaine et invité à revenir lundi 8 février à 14h00.

Le visionnage de vidéosurveillance du CRA 2 reprend là où nous nous étions arrêtés hier, «  heure sur la vidéo 15h35 » précise la présidente à la greffière. Huit écrans apparaissent, l’ensemble des caméras donnent sur l’extérieur du centre. Beaucoup d’aller et venue, il y a du monde à l’extérieur du bâtiment, il semble qu’ils courent.

Ecran 4, des détenus, difficilement reconnaissables de là où nous sommes, sortent des matelas et des draps du bâtiments, les mettent dans la cour où ils finiront par prendre feu. Il y a des flammes au fond de l’écran mais nous ne voyons pas qui met le feu. L’écran est recouvert de fumée, les images deviennent floues. Les détenus ne sont plus à l’écran, les flammes ont été maîtrisées mais nous ne voyons pas comment car la scène a du se passer au fond de l’écran. Sur le devant, des policiers arrivent. La fumée envahit également les écrans 5, 6, 7 et 8.

14h30 (dans la salle d’audience), changement de vidéo : huit écrans : deux sur l’extérieur d’un bâtiment dont un donnant sur l’espace de la table de ping pong et l’autre sur une entrée de bâtiment, cinq vidéos sur les couloirs du bâtiment et un dernier sur une entrée du bâtiment. Des allers et venues de détenus dans le calme pendant environ dix minutes.

14h40, écran 1, beaucoup de personnes dans l’espace de la table de ping pong, écran 6, d’autres regardent de la fenêtre d’un couloir ce qui se passent à l’extérieur du bâtiment. Ecran 1, les détenus sont partis, ils apparaissent sur l’écran 7, ils entrent dans le bâtiment.
14h45, les caméras extérieurs filment toujours, il n’y a personne dehors.

14h50, des mouvements agités dans les couloirs. A l’extérieur également, les policiers s’activent. Ecran 6 des détenus regardent ce qui se passent dehors, la fumée apparaît soudainement sur les écrans 7 et 8. Des personnes continuent d’aller et venir dans le bâtiment enfumé.

14h53, écran 1, beaucoup de détenus dans l’espace grillagé de la table de ping pong, en quelques instant tout le monde disparaît de l’écran. Les caméras 7 et 8 sont toujours noires de fumée.

14h59, plusieurs policiers à l’extérieur du bâtiment semblent courir. Les caméras 5 et 6 commencent à être endommagées, les images restent fixes. Ecran 1, on croit apercevoir deux pompiers arriver mais aucune certitude. Ecran 2, des policiers vont et viennent rapidement à l’extérieur du bâtiment.

15h01, huit nouveaux écrans : cinq sur l’intérieur d’un bâtiment (trois écrans sur des couloirs, une sur un hall d’entrée et un autre sur ce qui paraît être une pièce de passage avec une télé) trois sur le réfectoire. Rien de particulier, des allers et venus calmes.

Environ un quart d’heure après sur les écrans 1, 2 et 3 beaucoup de détenus paraissent courir dans les couloirs, ils sortent des matelas et des draps. De la place du public, il est difficile de reconnaitre les visages, en est-il de même de la formation des juges ? nous ne le saurons pas le tribunal reste silencieux tout long du visionnage.

15h20, de la fumée envahie les couloirs sur les écrans 1, 2 et 3. Les écrans 1 et 4 se noircissent alors que sur les écrans 2 et 3, on peut apercevoir des personnes se déplacer alors qu’il y a de la fumée dans les couloirs. Ecran 2, des flammes.

15h28, une nouvelle vidéo, huit nouveaux écrans : deux chambres vues du plafond (certainement les chambres d’isolement), une est occupée par un homme allongé, l’autre vide ; deux caméras donnant sur des couloirs, deux pièces avec des tables et des chaises, l’entrée d’un bâtiment et le couloir avec un ou des bureaux administratifs. Tout est très calme.

15h45, agitation dans le couloir des bureaux administratifs, les policiers semblent sortir du bâtiment, l’un d’entre revient pour prendre quelque chose puis repart.

15h46, changement de vidéo, huit nouveaux écrans :quatre donnent sur des pièces vides ou meublées, quatre autres filment l’extérieur du bâtiment. Tout est calme.

16h00, écran 5 et 6 des personnes courent, est ce que ceux sont des policiers, ce n’est pas visible pour le public. Quelques instants après, des policiers courent à l’extérieur du bâtiment. La fumée envahie les écrans 1 et 2.

16h20, d’autres policiers habillés en noir courent également et passent sur les écrans 5 et 7 puis disparaissent.

La présidente essaie de dire quelque chose du bout des lèvres au parquet qui n’entend pas, Mme Dutartre répète mais toujours rien. Le procureur se lève et s’approche de la présidente pour entendre ce qu’elle dit. Dans le public, d’un ton ironique « elle a vraiment envie qu’on l’entende »

Nouvelles vidéos, sept écrans donnant sur l’extérieur d’un bâtiment. Après quelques minutes de visionnage, des personnes semblent s’amasser au fond de la cour (écran 7). Pendant l’observation des images, l’angle de cette caméra change, elle semble tomber. Le nouvel angle donne sur l’entrée d’un bâtiment pris de l’extérieur.

16h33, toujours sur l’écran 7, plusieurs détenus sortent des matelas du bâtiment pour aller à l’extérieur.

16h37, caméra 8, la fumée apparaît mais on ne sait d’où. Caméra 6 et 7, des policiers courent, l’un d’entre eux a un extincteur.

16h40, caméra 6 et 7, les policiers courent dans un sens, les détenus les suivent également en courant. La vidéo se termine.

16h41, l’audience est suspendue.

17h00, l’audience reprend. Le tribunal reconstitue les scellées comme il se doit. La présidente les montre aux parties civiles.

17h05, l’audience est suspendue jusqu’à lundi prochain, 14h00, 16ème chambre.

Il semble que le visionnage des vidéosurveillances soit fini mais cela n’est pas précisé par le tribunal. Mme Dutartre avait demandé aux témoins de la défense et aux parties civiles d’être présents les 9 et 10 février. L’article 442 du code de procédure pénal voudrait donc que lundi, si les visionnages sont effectivement terminés, les prévenus soient interrogés.