L’amemendement présenté par le groupe parlementaire du Parti Populaire pour réformer la loi espagnole sur les étrangers est contraire à la législation européenne

Il y a quelques jours à peine, Cecilia Malmström, au nom de la Commission européenne, et à la suite d’une réponse à une question parlementaire, a rappelé à l’Etat espagnol, que “la force ne devrait pas être employée pour empêcher un franchissement de frontière non autorisé. En outre, la surveillance des frontières doit être effectuée sans préjudice des droits des personnes en quête de protection internationale, en particulier en ce qui concerne le principe de non-refoulement et l’accès effectif à la procédure d’asile”. Ces déclarations ont rejoint celles du Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Nils Muiznieks, qui a demandé l’ouverture d’une enquête sur les évènements du 15 octobre dernier, lorsqu’un jeune homme, après avoir reçu plusieurs coups portés par des agents de la Guardia Civil espagnole, a été remis aux autorités marocaines – comme en attestent les vidéos produites par l’organisation PRODEIN.

Ces agissements, ainsi que d’autres, se produisent du fait de l’insistance du gouvernement espagnol à refouler vers le Maroc, sans même les identifier, les personnes qui traversent la frontière et leur refusant dans le même temps l’accès aux garanties et procédures établies par la loi. Cette pratique, en cours d’investigation par les tribunaux, a conduit à la mise en examen du plus haut responsable de la Guardia Civil de Melilla.
Or, agissant clairement en violation de la loi, le groupe parlementaire populaire tire profit des amendements au projet de Loi sur la Protection de la Sécurité publique pour proposer une Dixième Disposition Additionnelle de l’actuelle Loi sur les Étrangers qui stipule que ceux qui tentent de traverser la frontière de Ceuta et Melilla sans autorisation “... seront refoulés pour empêcher leur entrée illégale en Espagne.”

Cet amendement appelle des organisations qui composent le réseau Migreurop en Espagne les observations suivantes :

  1. Le procédé visant à légitimer des agissements clairement illégaux constitue une violation de la loi et un affront au pouvoir législatif, en plus de dénoter une inquiétude face aux dénonciations continues des instances européennes et internationales.
  2. En dépit de la volonté du gouvernement de donner un cadre légal aux « refoulements à chaud » aux frontières européennes, cette pratique n’en demeure pas moins contraire aux standards internationaux minimaux de protection des droits humains et au droit européen lui-même, tel qu’édicté dans la Directive Retour. Plusieurs experts se sont également déjà prononcés sur sa possible inconstitutionnalité.
  3. La rédaction de cet amendement - qui ne pourra qu’être sanctionnée par tout contrôle règlementaire de rigueur - n’apporte rien de neuf à ce qui est déjà prévu par la loi et par les règlements concernant le refoulement à la frontière, effectué via les procédures de retour et de renvoi, et qui nécessite un accompagnement juridique – à moins que la volonté du gouvernement ne soit de créer, à Ceuta et Melilla, des zones d’ombre, en marge de la Loi sur les étrangers.
  4. La réglementation proposée place l’Etat espagnol en dehors des règles du jeu de la politique européenne et des traités internationaux qu’il a ratifiés. Quand les tribunaux auront à corriger cette absurdité il sera trop tard et les dommages seront irréversibles.

Par conséquent, nous demandons le retrait immédiat de cet amendement.

Dans le même temps, nous invitons Cecilia Malmström et le nouveau commissaire européen à l’immigration, au moment où il entre en fonction, de passer des mots aux actes et à ouvrir une enquête sur les agissements du gouvernement espagnol en la matière.

Le 23 octobre 2014

Migreurop/Espagne