Agenda de l’Union Européenne 2004-2005

La création de camps aux frontières de l’Europe est un projet qui n’est pas encore officiellement sur la table de l’Union européenne. Bien que la question ait été évoquée à plusieurs reprises, et largement commentée dans la presse, il n’y a pas eu de proposition concrète des Etats membre ou de la Commission européenne. Il n’est pas encore certain que l’Allemagne ou l’Italie feront des propositions formelles dans les semaines qui viennent. Mais ces projets font partie d’un ensemble : il s’agit de la politique « d’externalisation » de l’asile et de l’immigration qui insidieusement se met en place, laissant le champ libre à la création de camps aux frontières de l’Europe. Il est important, pour suivre les étapes de cette politique et sa mise en place, de repérer les grands thèmes qui sont actuellement discutés par l’UE, dans quelles enceintes, et à quelles dates ils seront votés.

Théoriquement, l’adoption par l’UE d’un dispositif qui relève des politiques d’asile et d’immigration (désormais désigné sous le nom d’Espace de sécurité, Liberté et Justice ») est l’aboutissement du processus suivant :

 proposition de texte par la Commission européenne (Direction Justice Affaires Intérieures (JAI)

 discussions sur le projet, informelles ou formelles

  • lors des réunions des groupes de travail du Conseil
  • lors des réunions du COREPER (comité des représentants permanents, qui rassemble les représentant des Etats membres auprès des institutions européennes)
  • lors des Conseils des ministres JAI (il y en a un par mois environ)

 accord politique par le Conseil de l’UE (réunion des ministres concernés par le thème traité) à l’unanimité

 transmission au Parlement européen

  • un rapport est rédigé sur le texte par un rapporteur membre de la commission Libertés Publiques
  • il est voté lors d’une réunion de cette commission
  • il est discuté et voté définitivement par le Parlement européen lors d’une session plénière.

 une fois que le Parlement européen a rendu son avis, le Conseil peut alors adopter le document définitivement. Il peut alors être mis en œuvre.

Ce que l’on peut appeler la « politique d’externalisation » n’est jamais désigné dans ces termes par les textes et agendas officiels. Il faut donc identifier :- d’une part, les formules qui peuvent cacher des projets d’externalisation : « politique de voisinage », « protection au plus près des régions d’origine » et « zones de protection régionale », « solutions durables », « procédures d’entrée protégées », « pays sûrs » et « pays tiers sûrs », « renforcement des systèmes nationaux d’asile » ou « consolidation de l’offre de protection dans les pays de premier asile » et « capacity building », « partenariat avec les pays tiers et les pays de transit », « répartition des responsabilités avec les régions d’origine », etc...- d’autre part, les enceintes où ils sont susceptibles d’émerger. Globalement, cette politique se décline au travers de :

1) Système d’asile européen Sa mise en place est censée se dérouler en deux phases

 la première phase, 1999-2004, a consisté depuis le sommet européen de Tampere à l’adoption de normes européennes (directives et règlements communautaires) basées sur des standards minimaux, en général en deçà des normes de protection réclamées par les ONG. La plupart des instruments sur le droit d’asile ont déjà été adoptés. Il en reste un en cours d’adoption : la directive sur les procédures d’asile qui rend notamment possible la détention de demandeurs d’asile, et prévoit l’établissement d’une liste de « pays tiers sûrs » vers lesquels pourront être renvoyés les demandeurs d’asile sans examen de leur demande.

 la deuxième phase d’harmonisation des systèmes d’asile, 2005-2010. Le Conseil européen des 4 et 5 novembre 2004 a pour objectif de valider la future politique d’asile et d’immigration pour les 5 ans à venir (qu’on appelle aussi Tampere II). La Commission européenne a fait des propositions, et le Conseil européen a présenté un programme, discuté par les Etats membres lors du conseil « JAI » des 25 et 26 octobre 2004 (NB : ce programme n’a pas été rendu public. Ni les parlements, européen ou nationaux, ni la société civile n’a été consultée). Il vise des objectifs précis :

  • la mise en place d’un système d’asile en Europe selon une procédure unique - qui sera facilement exportable dans les Etats tiers.
  • la mise en place de « solutions durables » pour une protection dans les régions d’origine des demandeurs d’asile : une protection dans des pays de premier asile, proche des pays sources.
  • un système de réinstallation : pour les réfugiés reconnus dans ces pays de premier asile (pays proches ou pays du pourtour méditerranéen), ils pourront être renvoyés selon un système de quotas dans les pays européens.
  • la mise en place de procédures d’entrée protégées : comme la délivrance de visas humanitaires ou de « visas-asile ».

2) Politique de retour

 La politique de retour touche à la fois les domaines de l’asile et de la lutte contre l’immigration clandestine. Elle est devenue une priorité pour l’Union européenne. Elle est un élément de l’externalisation car elle permet une coopération efficace et peu coûteuse pour l’expulsion.

  • des normes minimales pour le retour devraient être discutées en 2005
  • il a déjà été décidé que des charters communautaires peuvent être financés par l’Union européenne

 Elle vise également à ce que les personnes qui sont démunies de documents d’identification (principal obstacle à l’expulsion), soient quand même renvoyées par le biais des accords de réadmission.

  • par exemple : signature imminente d’un accord de réadmission UE-Maroc
  • il est prévu la nomination d’un « représentant spécial pour la réadmission » (qui dépendra de la Commission européenne)

 Ces accords visent aussi à permettre le renvoi des ressortissants d’Etats tiers ayant transité par les pays signataires : les pays concernés sont clairement les Etats bordant les frontières de l’Europe, dont les pays d’Afrique du Nord (par exemple, des ressortissants nigériens interpellés en Italie pourront être renvoyés au Maroc en application du futur accord UE-Maroc, à charge pour ce pays d’organiser leur renvoi dans leur pays d’origine).
Tout cela sera financé par le Fonds européen pour le retour. La Commission européenne devrait initier un « projet pilote ». La mise en route du fonds est prévue pour 2007.

3) Contrôle aux frontières

 Mise en place d’une Agence aux Frontières chargée de gérer le contrôle commun des frontières, la politique de retour et de créer à terme un corps de garde frontière européen.

 Le Conseil européen propose la mise en place d’un groupe de réaction rapide d’experts nationaux en cas de « pressions migratoires exceptionnelles » et demande à la Commission de faire une proposition sur le financement et les responsabilités d’un tel groupe - pas d’échéance.

 Allocation de fonds de plus en plus importants pour le contrôle aux frontières. Ainsi le programme financier ARGO, en principe destiné à améliorer la coopération administrative entre les services nationaux dans le but d’assurer une application harmonisée du droit communautaire, fait l’objet d’une proposition d’amendement pour permettre l’allocation des fonds à des programmes de contrôle aux frontières.

4) Contrôle maritime Neptune III

5) Coopération et financement des pays tiers

 Sous couvert de « partenariat », d’aide au développement ou de coopération avec les pays tiers, la politique d’incitation des Etats tiers à coopérer pour le contrôle des frontières extérieures de l’Union passe par le financement de projets d’externalisation : - Incitation à la signature des accords de réadmission : 250 millions d’euros ont été débloqués sur 4 ans. Le programme d’assistance technique et financière aux pays tiers pour l’asile et l’immigration (AENEAS) doit être mis en oeuvre dès fin 2004.

L’agenda européen pour l’« Espace de Liberté, Sécurité et Justice »

Pour les 8 mois à venir, cet agenda est déjà connu dans ses grandes lignes tel que proposé par la présidence hollandaise au conseil. Les ordres du jour des différentes réunions sont rendus publics au fur et à mesure.

Les informations utiles peuvent être trouvées sur les sites suivants :

 Commission européenne (DG JAI)
 Parlement européen
 Sessions plénières
 Commission Liberté Publique (LIBE)
 Sous commission droits de l’homme
 Conseil JAI
 Calendrier des réunions JAI
 Conseil européen

Octobre 2004
 25-26 octobre Conseil JAI sur le Programme Pluriannuel : « Renforcer la liberté, la sécurité et la justice dans l’Union européenne »
 25 octobre Parlement européen : réunion de la sous commission droits de l’homme
 25 octobre Parlement européen : réunion de la commission LIBE
 26 octobre Parlement européen : vote sur les accords de partenariat et de coopération CE/ Russie, Géorgie, Kirghizstan, Moldavie, Arménie, Kazakhstan, Ouzbekistan, Azerbaïdjan, Ukraine
 28 octobre Parlement européen : vote sur la future Commission européenne
 Echeance fin octobre Politique de voisinage : plan d’action par pays (Commission européenne)

Novembre 2004
 4-5 novembre Conseil européen sur le programme pluriannuel pour le renforcement de l’Espace de Sécurité Liberté et Justice de l’Union européenne
 15 novembre Parlement européen : session plénière ; vote sur l’amendement au programme ARGO
 23 novembre Parlement européen : réunion de la sous commission droits de l’homme
 24 novembre Parlement européen : réunion de la commission LIBE

Décembre 2004
 2 décembre Parlement européen : réunion de la commission LIBE
 22 décembre Parlement européen : session plénière

Echéance fin 2004
 Politique de retour : proposition de la commission pour une directive standards minimum pour le retour
 Livre vert sur l’immigration économique (Commission)
 Frontières : proposition sur le SIS II (Commission)

 Courant 2005 Asile - Protection dans les régions d’origine : Le conseil demande à la commission le développement de Programmes de protection régionaux : lancement de projets pilotes des programmes de protection régionale (capacity building, programme de réinstallation européen...)

 Début 2005 Politique de retour : discussion sur les standards minimum pour une directive sur les retours

 Echéance Printemps 2005

  • Asile : Directive Procédures : possible adoption (l’accord politique de principe date du 29/04/04 - une nouvelle consultation du Parlement européen doit avoir lieu avant adoption)
  • Le Conseil demande à la Commission d’intégrer la dimension migratoire dans les documents stratégiques par pays et par région pour les pays concernés par l’immigration.
  • Le Conseil demande à la Commission de présenter des propositions sur les liens à établir entre migration, développement, politiques humanitaires, avec une attention particulière aux causes premières des migrations et aux « push factors ».

 1er avril 2005 Le Parlement européen demande que le passage à la codécision soit décidé avant cette date

 1er mai 2005 Agence de contrôle aux frontières : mise en place (Règlement établissant l’Agence de contrôle des frontières (COM (2003) 687, 11 novembre 2003) : accord politique le 30/03/04 - consultation Parlement)

 Automne 2005

  • Règlement établissant un code pour le franchissement des frontières : possible adoption (COM (2004) 391, mai 2004)
  • Proposition sur le fonctionnement détaillé du VIS (Visa Information System) par la Commission

 Avant fin 2005 Politique de voisinage : Evaluation des progrès et réalisation dans ce cadre